A quoi pense donc la toupie qui tourne ?
On demande parfois : " Où faut-il placer l’esprit au moment d’agir".
La seule réponse qui permette de prétendre à une liberté de mouvement est : "Nulle part".
En effet, chaque fois que l’esprit se pose quelque part il agit comme le coude du tuyau d’arrosage qui empêche l’eau de passer. Si je pense aux choses que je fais, chacune de ces choses m’empêche de bouger avec la liberté qui convient, elles sont autant d’obstacles au flot de l’énergie qui me traverse et qui ne m’appartient pas davantage que l’eau n’appartient au tuyau.
C’est cela wu wei, le non-agir. En pensant agir je me trompe, j’empêche au contraire l’action véritable de s’accomplir à travers moi. L’Aikido n’est pas une construction, un arrangement, un ajustage aussi parfait soit-il de mouvements techniques, c’est encore moins un spectacle, aussi brillant et séduisant soit-il, l’Aikido est une réponse spontanée, une adéquation à une réalité qui surgit sans prévenir.
Ce qui est difficile à accepter quand on ne comprend pas que toute création est le fruit d’un équilibre subtil d’éléments contraires, c’est qu’une spontanéité de cette nature n’est pas immédiate, elle procède d’un travail sur soi, d’un apprentissage. Pour agir en harmonie il faut au préalable apprendre à se connaître : le gnothi seauton du temple de Delphes n’est pas un effet de la grâce.
C’est happo giri qui coupe dans les huit directions, ce n’est pas moi, mais chaque partie de mon corps doit bien sûr venir à sa place pour que la coupe soit juste. Et ce qui porte ces parties à leur place est seulement l’idée d’une rotation, tout comme on peut emporter dans la mort l’idée d’une fleur.