Tai no henka est un mouvement tenkan, c’est-à-dire, pour simplifier un peu les choses et parler de manière incorrecte, une rotation vers l’arrière, vers le dos d’uke. C’est pour cette raison que ce mouvement est parfois désigné sous le nom de "tai no tenkan".
Cette rotation vers l’arrière est le départ du mouvement, son tout premier instant : il n’existe aucun mouvement qui précède le temps de rotation vers l’arrière.
Les hanches sont entraînées immédiatement vers l’arrière, et la main saisie est obligée de suivre le mouvement des hanches, elle part donc tout aussi immédiatement vers l’arrière, il ne lui est pas possible – si elle est bien en harmonie avec le mouvement des hanches – de faire un quelconque mouvement vers l’avant, aussi minime soit-il : tout mouvement effectué vers l’avant entre en conflit avec la rotation tenkan.
J’aimerais maintenant profiter de ce dossier pour répondre au commentaire posté par Nick Regnier sur la chaîne YouTube à l’occasion du dossier précédent.
C’est très souvent dans tai no henka qu’on voit la main saisie effectuer une spirale dans le plan vertical (à la manière dont creuse une pelle mécanique).
Maître Saito expliquait qu’il ne faut pas pratiquer ainsi dans le plan vertical car il est possible à uke de bloquer un tel mouvement.
On peut ne pas croire Maître Saito sur parole, il faut alors essayer de comprendre à partir de la mécanique corporelle.
Comme beaucoup d’enfants, j’ai construit, il y a trop longtemps déjà, ces marionnettes rudimentaires où quatre bouts de ficelle attachés sur un cylindre de bois figuraient des bras et des jambes. Quand on tournait le cylindre rapidement en le frottant dans la paume des mains, les bras et les jambes de ce bonhomme en bois s’animaient, ils tournaient avec le cylindre : ils tournaient dans le plan latéral évidemment, emportés par la force centrifuge.
Cet exemple est un peu simple, mais le corps humain fonctionne sur le même principe moteur. Quand la colonne vertébrale se met à tourner sur elle-même comme une toupie, tout ce qui est attaché à elle tourne également : les hanches d’abord, puis les épaules, les bras, et les jambes. Qu’on regarde tourner les derviches. Ce mouvement de rotation de l’axe central du corps met tout en mouvement dans le plan latéral : il n’est pas possible qu’un élément quelconque du corps soit entraîné dans le plan vertical à partir d’une rotation à effet latéral.
Autrement dit, quand les hanches tournent de droite à gauche ou de gauche à droite, les bras les suivent nécessairement dans le plan latéral, ils ne peuvent être mobilisés de haut en bas ou de bas en haut, ils ne peuvent "creuser comme la pelle mécanique".
Il n’y a qu’une manière de mobiliser le bras dans le plan vertical sur tai no henka, c’est de ne pas lancer de rotation des hanches et de travailler avec la seule force des muscles de l’épaule et du bras, tout en se déplaçant d’un simple pas vers l’arrière. Un uke assez fort physiquement sera dans ce cas capable de bloquer tori.
Mais surtout, ne pas mobiliser les hanches en rotation c’est perdre de vue que l’Aikido utilise une énergie rotative qui est sans rapport avec la force musculaire.
En effet, une force – même très grande – qui vient s’appliquer sur un cylindre en rotation, sera détournée par la force centrifuge, elle sera déviée, et éventuellement conduite vers un point où toute force est neutralisée : c’est le principe des techniques d’Aikido d’utiliser la dynamique rotative du corps humain pour détourner la force d’un adversaire et la contrôler en la guidant progressivement jusqu’au point où elle ne peut plus nuire.
Sans rotation de l’axe corporel, il n’y a pas d’Aikido. Quelle que soit la technique considérée, il faut l’analyser à la lumière de cette vérité première.