Nous avons vu dans le dossier précédent que dans la variante (henka) du ken tai jo 5, la deuxième frappe intervient si vite après la première qu’il n’est pas possible de changer la saisie de la main droite :

Il faut ici noter un point important : l’extrémité du jo qui a frappé dans le temps 1 avec hasso gaeshi est la même que celle qui frappe dans le temps 2, autrement dit on frappe ici deux fois de suite avec la même extrémité du jo. Ceci est caractéristique de la méthode, c’est une conséquence du fait que l’exercice est exécuté en ligne face à un adversaire unique, et que les frappes y sont répétées plusieurs fois sur la même personne, dans la même direction donc.

Au contraire, quand le même mouvement de jo est réalisé dans un mode non-linéaire, quand il est utilisé dans un contexte martial, c’est-à-dire avec des attaques multiples et simultanées venues de directions différentes, on découvre que cette arme frappe en permanence avec ses deux extrémités, qu’il n’y a jamais une extrémité inactive quand l’autre est active.

On peut résumer les choses de la manière suivante :

  • Dans le travail d’étude de la méthode il n’y a qu’un seul adversaire, sur une seule ligne, et on le frappe de manière répétitive en n’utilisant qu’une extrémité du jo à la fois.
  • Dans la réalité martiale il y a quatre adversaires, sur quatre lignes différentes, attaquant simultanément, et on les frappe deux par deux en utilisant à chaque fois les deux extrémités du jo en même temps :

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que la technique de manipulation du jo, celle du ken tai jo 5 qui nous occupe ici par exemple, ne change en aucune manière : le mouvement martial est identique au mouvement d’étude de la méthode. Il n’y a qu’une chose qui diffère en situation réelle, c’est le déplacement. La réalité martiale exige en effet que le déplacement irimi-tenkan soit mis en œuvre.

Ce dernier point est de toute première importance. Il permet de comprendre pourquoi l’Aikido n’a aucune efficacité si on se contente d’appliquer l’exercice d’étude dans une situation réelle sans y ajouter le déplacement irimi-tenkan. L’exercice d’étude ne peut pas avoir d’efficacité martiale tel quel parce que le déplacement n’y est pas pris en compte, il en est absent par choix pédagogique. Appliquer l’exercice d’étude dans une situation réelle en méconnaissant ce point peut avoir des conséquences graves.