Le septième suburi de l’aiki ken est un yokomen suivi d’un tsuki, comme le sixième suburi. Mais à la différence du sixième suburi, le tsuki est exécuté ici en avançant la jambe arrière.
Encore une fois, dans les frappes, quelles qu’elles soient, la puissance est déterminante.
La puissance maximum d’un tsuki est obtenue quand il est exécuté en avançant la jambe arrière. Toutefois, cette puissance ne peut s’exprimer véritablement qu’avec l’utilisation d’irimi-tenkan, c’est-à-dire au moyen d’une entrée circulaire.
Tant que le tsuki est exécuté sur un mode linéaire, dans le cadre de la méthode, et même s’il est porté par la jambe arrière comme dans ce septième suburi, il ne peut bénéficier de la puissance véritable, qui est délivrée seulement par la mise en œuvre d’irimi-tenkan.
Afin d’attirer l’attention sur le caractère fondamental en Aikido de l’utilisation des hanches, maître Saito insiste dans la vidéo sur la nécessité de ne pas frapper "tout droit", sans aucune rotation, mais d’introduire en fin de mouvement, et ce malgré le travail linéaire, une sorte d’"intention" de la hanche, qui préfigure ce que sera le travail authentique d’irimi-tenkan dans une action véritable.
Cependant, comme le travail reste en ligne, il ne lui est pas possible de marquer cette ébauche de circularité sans ouvrir la hanche et le pied arrière en hanmi au moment de la frappe.
Or la position hanmi au moment de la frappe, est impossible quand le tsuki est exécuté avec l’entrée circulaire d’irimi-tenkan. Dans le cas d’une entrée circulaire, le pied arrière reste en effet sur place au moment où le tsuki est porté, et ne reprend la position hanmi qu’après la frappe : dans la frappe irimi-tenkan, les pieds sont toujours en kenka goshi (carré), jamais en hanmi (triangle), cela peut être vérifié sur toutes les photos d’O Sensei (que ce soit avec un ken, avec un jo, ou à mains nues).
Le problème est insoluble, forcer le mouvement circulaire irimi-tenkan des hanches à se déployer dans les limites contre-nature pour lui d’une ligne droite, produit le même effet que les projections de Mercator ou de Peters, qui obligent la surface sphérique de la terre à s’aplatir sur du papier pour y donner une carte : cet effet, c’est une déformation inévitable.
Si l’on veut introduire un travail de hanche, par nature circulaire, sur des mouvements effectués en ligne, on est obligé de frapper en hanmi, or frapper en hanmi n’est pas conforme à la vérité du mouvement circulaire qui oblige à frapper en kenka goshi.
En outre, la prise de position hanmi, par l’effacement de la hanche arrière et de la jambe associée qu’elle entraîne, provoque un retrait du corps. Ce retrait du corps est parfait après la frappe, quand il s’agit justement de s’écarter pour retirer le sabre du corps d’un adversaire que l’on vient de traverser avec tsuki : il est fait pour cela. Mais un tel retrait du corps est évidemment en totale opposition avec l’exigence d’une action vers l’avant, s’il est exécuté anachroniquement, au moment où le sabre doit justement partir vers l’avant pour traverser l’adversaire avec puissance.
S’obliger à mobiliser les hanches, alors que le mouvement est exécuté en ligne, aboutit nécessairement à une déformation du mouvement. Cette déformation est inévitable, c’est une concession accordée à la méthode, tout comme on accepte la distorsion de la taille ou de la forme des continents sur un planisphère (le Groenland apparaît sur nos cartes deux fois plus grand que l’Afrique, alors qu’il est en réalité 14 fois plus petit).
On ne peut faire entrer une cheville carrée dans un trou rond (les Anglais disent ajuster une cheville ronde dans un trou carré, mais je crois que cela revient au même) sans déformer la cheville, c’est ainsi.
Le choix pédagogique d’un déplacement linéaire, tel qu’il se manifeste dans la méthode, est inconciliable avec le principe irimi-tenkan qui est au cœur de l’Aikido, et qui exige au contraire un déplacement circulaire.
On conçoit dès lors le danger que peut représenter la méthode si elle n’est pas bien comprise. Il est très facile en effet de prendre les vessies pour des lanternes, et la méthode pour l’art lui-même, si l’on perd de vue la raison d’être des choses. Maître Saito savait qu’il créait sa méthode pour des raisons de circonstances, et il ne confondait pas cette méthode avec l’Aikido. Je ne suis pas sûr que les professeurs qui se réclament de sa méthode aujourd’hui aient conscience du décalage irréductible qui existe entre cette méthode et l’art de maître Ueshiba.