La pratique du sabre commence par l’apprentissage d’une saisie correcte.
Ce sont l’auriculaire et l’annulaire de la main gauche et de la main droite qui tiennent le ken. Deux méridiens importants utilisés par l’acupuncture, le méridien du cœur et le méridien de l’intestin grêle, relient l’extrémité des auriculaires aux profondeurs du ventre, là où la tradition japonaise situe kikai tanden, l’océan de l’énergie. Tenir le ken à partir des auriculaires gauche et droit, c’est donc le tenir avec le centre du corps, avec l’énergie qui vient du ventre.
Ces quatre doigts doivent tenir fermement la tsuka (poignée du sabre).
En revanche, l’index et le majeur de chaque main tiennent très souplement, ils n’ont qu’une importance secondaire dans la saisie, et s’ils n’étaient pas là, cela n’affecterait pas la coupe.
Le ken est donc le véhicule de l’énergie corporelle, il doit permettre à cette énergie de circuler librement, c’est le canal par lequel l’énergie du kikai tanden peut s’écouler. C’est pour cela qu’il doit être tenu dans le prolongement du ventre, comme l’indique maître Saito sur la vidéo, la pointe à hauteur de la poitrine (chudan).
La photo ci-dessous est une référence, elle a une histoire : dans les années 1950, alors qu’O Sensei travaillait dans les champs d’Iwama avec quelques élèves, dont maître Saito, une discussion autour de la position de garde au sabre s’était engagée, le Fondateur demanda alors qu’on aille chercher le photographe du village, et il posa dans ses habits de travail pour immortaliser la position juste.
Je mets en regard la photo de maître Saito dans la même garde chudan no kamae une trentaine d’années plus tard (sur les fortifications d’Antibes en octobre 1989).
Tenir le ken en chudan no kamae dans un axe trop vertical, pointe vers le ciel, est une erreur qui empêche son utilisation dans l’extension naturelle du ventre, et condamne le pratiquant à n’utiliser que l’énergie musculaire des épaules.
La coupe du premier suburi est le seul shomen parfait possible avec un sabre. Le ken monte tout droit et descend dans le dos au contact de la colonne vertébrale, il peut ensuite couper shomen uchi aussi droit qu’il est monté, l’inclinaison de la lame est alors égale à zéro, elle est perpendiculaire à la terre, la verticalité est parfaite.
A la fin de la coupe, le kissaki (pointe du sabre) doit terminer parallèle au sol. Arrêter le sabre avant ce point, c’est empêcher la coupe en bloquant artificiellement trop tôt la dynamique du mouvement. Inversement, arrêter le sabre au-delà de ce point, c’est perdre le contrôle de l’arme et la laisser entraîner le corps.
Shimeru est le nom de l’action qui verrouille le sabre dans la position juste à la fin de la coupe. Ce n’est pas une action de la main droite qui "retiendrait" le sabre dans sa descente, c’est une action en forme d’ondulation qui résulte d’une relation subtile entre la main gauche et le ventre.