Le jo de l’Aikido est une lance armée d’une lame à chacune de ses extrémités.
Le premier temps de jusan no jo est un tsuki.
Or, quand une lame est ainsi plantée dans le corps d’un adversaire, l’arme devient inutilisable, et il n’y a pas d’autre moyen que de la retirer pour continuer à combattre. Mais le temps qui est nécessaire pour cela est perdu pour le combat, c’est une ouverture et un moment de vulnérabilité.
Cette faiblesse n’existe pas en aiki-jo. La présence des deux lames, et le principe d’entrée rotative de l’Aikido, transforment en effet ce temps de retrait d’une extrémité de l’arme en une attaque avec l’autre extrémité.
Ceci est vrai toujours, dans tous les cas de figure, le jo de l’Aikido est comme une hélice qui frappe sans s’arrêter pendant tout le temps de l’engagement (voir l’article "L’hélice et la lance"). Il n’y a jamais de temps mort, jamais de moment qui ne soit pas une attaque, jamais de mouvement exécuté seulement en vue de permettre l’attaque suivante. L’idée même qu’il faille préparer une attaque, de quelque manière que ce soit, est l’ouverture dans laquelle peut pénétrer l’adversaire, à condition évidemment qu’il soit assez habile pour saisir cette intention et ce moment.
Ici, juste après le tsuki, le mouvement qui permet de retirer la lame du corps de l’adversaire est en même temps celui qui tranche la gorge d’un deuxième adversaire attaquant à plus ou moins 90°. Et cette attaque à la gorge de bas en haut est en même temps l’action qui mène le jo au-dessus de la tête en fin de course, permettant ainsi la rotation suivante en yokomen uchi (temps 2 de jusan no jo) :
Voilà le sens, dans les quatre directions, de l’exercice que l’on pratique dans une seule direction au début de jusan no jo.
Chaque geste est relié au précédent comme au suivant selon un plan d’une étonnante rigueur, où chaque chose est à sa place et nécessaire pour que se manifeste un ensemble plus vaste. Tous les mouvements de l’Aikido sont ajustés en une harmonie qui est la marque d’une action naturelle. Et il n’est pas possible d’abréger cette action naturelle, parce que sa logique, qui n’a pas été établie par l’homme, est parfaite en ce monde.
Pour qu’une technique soit plus efficace encore, il faudrait qu’elle soit plus sobre que le plan idéal de sobriété de cette action naturelle, or il n’est pas possible, en vertu des contraintes qui s’imposent au corps humain, de remonter au-delà de cette limite physique.