Nous avons vu dans le dossier précédent le kihon, la forme de base d’ikkyo.
Ce kihon peut être travaillé de manière statique, en bougeant seulement après qu’uke ait verrouillé sa saisie, la contrainte temporelle n’est dans ce cas pas prise en compte, on appelle cette méthode d’entraînement kotai en japonais.
Ce même kihon peut également être travaillé de manière dynamique, en bougeant dans le temps même où uke saisit le poignet. Cette méthode d’entraînement porte alors le nom de jutai.
Le déplacement de tori en jutai ne diffère pas du déplacement effectué en kotai, tous les angles, tous les pas sont conservés, la différence réside seulement dans l’harmonisation dynamique de tori avec l’attaque d’uke, le mouvement reste identique en tous points par ailleurs.
Jutai est donc en quelque sorte un kotai "souple" par lequel tori tente d’harmoniser son mouvement au mouvement d’uke, en tenant compte cette fois de la contrainte temporelle.
En jutai, tori s’efforce d’ajuster son mouvement au mouvement d’uke, il gère l’attaque de manière appropriée mais son mouvement n’est encore qu’une réaction, qu’une réponse à cette attaque, c’est uke qui a l’initiative de l’action.
Jutai n’est donc encore qu’un stade de l’apprentissage, si l’Aikido devait s’arrêter là la victoire serait toujours incertaine, car uke est imprévisible et rapide, et tori a besoin de temps pour réagir. La meilleure technique du monde ne sert à rien si l’on n’a pas le temps de la mettre en œuvre.
Au stade qui suit jutai, et qui porte le nom d’eki tai, c’est au contraire tori qui prend l’initiative de l’action. Il ne prend pas cette initiative parce qu’il attaque, mais parce qu’il crée une situation, à la fois par le corps et par l’esprit, dans laquelle uke s’engouffre volontiers, par ce qu’il y est comme aspiré. Tori a désormais le temps nécessaire à son action qui n’est plus une réaction.
Le moyen qui permet de placer deux adversaires dans une telle situation s’appelle en japonais ki no nagare. Tori contrôle uke dans un mouvement dont il est lui-même à l’origine grâce à l’utilisation juste du nagare. Le flot du ki est alors ce qui décide de l’issue du combat. L’exercice qui est démontré sur la vidéo est un entraînement à ce type d’action.
Attention donc à ne pas confondre jutai et ki no nagare. Ki no nagare n’est pas encore présent au stade jutai, il n’apparaît qu’au stade eki tai.
Notons ceci qui est fondamental : les angles utilisés par la pratique kotai et jutai d’ikkyo ne permettent pas de faire face à des attaques simultanées venues des quatre directions, seule la pratique eki tai d’ikkyo permet à tori de quitter le cercle des attaquants au moyen de tai no henka, tout en amenant par cette même action l’un de ses adversaires à la place dangereuse qu’il occupait lui-même l’instant d’avant.