Nous terminons ici une série de plusieurs dossiers sur le kumitachi n°1 et ses variations (henka).

Que voit un public non averti dans les exercices de base du sabre ? Il voit qu’uke tachi "recule" sous les attaques d’uchi tachi. Nous savons qu’il ne recule pas, mais qu’il fait en réalité tenkan. Et c’est justement cela qui est caractéristique de la méthode dans l’exercice de base : uke tachi y apprend essentiellement à faire tenkan.

Dans un deuxième temps de l’étude, uke tachi apprend à réaliser les variations qui naissent de la technique de base, ce qu’on appelle henka waza en japonais. Ces variations techniques lui montrent qu’il est possible de remplacer tout mouvement tenkan par un mouvement irimi. C’est le rôle des variations de permettre à uke tachi de faire cette découverte qui le fait avancer dans sa compréhension de l’Aikido.

Attention cependant, cette étude des variations s’inscrit encore dans le cadre de travail de la méthode. Pourquoi cela ? Parce que dans ces multiples variations, l’irimi s’effectue en ligne, tout comme le tenkan de l’exercice de base s’effectuait en ligne. 

Et cela est bien normal : tant qu’on fait irimi seulement ou tenkan seulement, on ne peut travailler qu’en ligne. Le léger angle qu’uke tachi prend de part et d’autre de la ligne d’attaque d’uchi tachi ne suffit pas à contredire la réalité globale de ce travail linéaire.

La fonction de cette étude progressive de tenkan puis d’irimi, est de préparer l’étudiant à la compréhension du mouvement d’Aikido complet. Ce mouvement n’est pas tenkan seulement, il n’est pas irimi seulement, il est irimi-tenkan. Cela veut dire qu’en dehors de la nécessaire démarche pédagogique, irimi ou tenkan n’ont aucun sens si on les considère séparément. Dans le mouvement d’Aikido complet, quand une moitié du corps entre avec irimi, l’autre moitié suit immédiatement avec tenkan – toujours - il ne peut pas en être autrement.

Quand ce déplacement complet est mis en œuvre, il y a une conséquence fondamentale : il n’est plus possible de travailler sur une ligne. Irimi-tenkan déclenche obligatoirement une rotation du corps qui empêche tout travail linéaire. Et il est bien qu’il en soit ainsi car c’est seulement la rotation qui procure la puissance maximum au mouvement, et qui permet en même temps à uke tachi d’échapper aux frappes simultanées de plusieurs attaquants, en entrant de manière sécurisée dans leur périmètre d’action.

Le jour où intervient la compréhension profonde du principe irimi-tenkan, l’étudiant quitte enfin le domaine de la méthode. Il comprend désormais que tout le temps qu’il a consacré à répéter patiemment, inlassablement, les gestes de la méthode, n’avait pas d’autre raison que de lui faire découvrir le principe irimi-tenkan qui est au cœur de l’Aikido, et de le faire parvenir ainsi au point où la méthode s’arrête parce qu’elle a rempli sa fonction. L’Aikido apparaît seulement quand disparaît derrière l’étudiant le monde de la méthode, mais sans le monde de la méthode l’Aikido ne peut pas apparaître. Ou plus exactement il ne peut apparaître qu’exceptionnellement, par l’intermédiaire d’hommes remarquables capables de le trouver sans l’aide d’une méthode bien rodée. Tout le monde n’est pas O Sensei, voilà pourquoi Morihiro Saito a créé une méthode d’enseignement. 

CQFD.