Quand on demandait à Pierre CHASSANG quel était le rôle d’uke, ou d’uchi, ou d’aite (ces trois termes désignent l’attaquant) il répondait invariablement : "Uke n’a qu’un rôle, c’est de mourir". Cette phrase accrocheuse mais faussement belliqueuse, signifie qu’uchi tachi n’est pas au spectacle, que ce n’est pas un acteur, qu’il ne tient pas un rôle, mais que c’est un adversaire. 

C’est un partenaire aussi bien sûr en ce sens qu’il collabore à l’apprentissage de tori, mais dans cet objectif sa fonction est d’attaquer franchement, avec toute sa conviction, avec tout son cœur. C’est alors seulement qu’il est - si l’on veut parler ainsi - dans son rôle

Voilà pourquoi il ne peut que mourir s’il rencontre en face de son attaque le principe de l’Aikido. Car la violence aboutit au contraire des buts pour lesquels elle est utilisée, pourvu que celui qui reçoit cette violence le fasse en conformité avec le principe de l’univers qui veut que chaque chose puisse toujours se retourner en son contraire.

L’Aikido n’est pas autre chose que l’apprentissage, dans le domaine martial, de ce principe présent dans toutes les formes de la vie. C’est pourquoi l’Aikido est une école de la vie, et pas seulement une école de combat.

Je pense ici à mon ami Serge MERLET, pionnier de l’Aikido en France et fondateur dans l’immédiat après-guerre de l’Ecole de Combat de Belfort, devenue depuis une institution en Franche-Comté, et qui lui a survécu jusqu’à ce jour. Il aurait pu l’appeler Ecole de Vie de Belfort, mais personne n’aurait compris à l’époque bien sûr.

L’Aikido enseigne la loi de la vie à travers celle du combat, or dans un combat on ne peut pas attaquer à moitié. Le kumitachi n’est pas un combat évidemment, mais c’est un exercice dont le but est de faire comprendre le principe de tout combat. L’étudiant est placé dans un cadre absolument artificiel, c’est entendu, mais à l’intérieur de ce cadre conçu pour l’étude il peut agir avec toute la détermination d’un attaquant. Et un attaquant authentique attaque, il ne fait pas semblant.

Il est donc très important qu’uchi tachi aborde le kumitachi avec cet état d’esprit, et ne se contente pas de simuler des attaques. La simulation empêche toute pratique constructive et profitable de l’Aikido.

Ici, la première frappe d’uchi tachi est un shomen, et ce shomen doit être exécuté. Certes l’exercice est tel que ce shomen doit s’arrêter aux deux-tiers de sa course, mais il doit être matérialisé, exister jusque-là, sinon l’exercice perd son sens.