"Tue-le !" Combien de fois cette injonction a-t-elle claqué à mes oreilles au moment où j’engageais un mouvement ? C’est Pierre Chassang qui veillait à ma motivation depuis un coin du tatami. La détermination n’était pas une chose dont il manquait.
Entendons-nous bien, Pierre n’a jamais appelé personne au meurtre bien sûr, ce qu’il voulait exprimer par cette apostrophe, c’est qu’aucun mouvement d’Aikido n’est possible si l’esprit n’est pas martial.
L’art de la guerre est fondé sur la détermination, et l’Aikido est fondé sur l’art de la guerre. Si l’on n’est pas capable de tuer l’autre en esprit, alors on n’est pas capable non plus de détruire en soi l’esprit de combat. Vaincre en Aikido n’est pas vaincre l’autre, c’est vaincre en soi l’esprit de combat, c’est masakatsu, il faut "trancher l’attachement à la vie et à la mort". Mais croit-on sérieusement qu’un objectif défini aussi ambitieusement par O Sensei puisse être atteint par l’aimable gymnastique de développement personnel à quoi l’Aikido a été réduit par le sentiment pathologique de délicatesse envers uke et de complaisance envers soi-même ?
L’Aikido c’est autre chose, car on ne s’harmonise pas à bon compte avec le mouvement de l’Univers. Pour toucher l’être, il faut une modification de la conscience, il faut tuer en soi le vieil homme, l’homme qui s’oppose, qui toujours veut se mesurer, l’homme subjectif. C’est à ce prix que l’Aikido peut faire naître l’homme nouveau, l’homme objectif, Ecce Homo au sens de Nietzsche.
La vidéo donne un exemple de la détermination qui est nécessaire dans l’exécution de kaiten nage :
La confusion est le signe de notre époque : confusion des termes, confusion des idées, confusion des sentiments, confusion des genres… Dans le cas qui nous occupe il faut se garder de confondre la détermination avec la violence. La force n’est pas la violence, il faut absolument faire une distinction claire entre deux choses aussi opposées. La force est harmonieuse et mesurée, elle produit, elle construit, la violence au contraire est la destruction irrationnelle et pulsionnelle de l’harmonie de l’Univers. "La victoire par la paix" d’O Sensei ne passe pas par la violence, mais elle passe par la force… coincidentia oppositorum. Et l’un des caractères de la force est la détermination. Le geste d’Aikido doit avoir cette force et cette détermination martiales.