La technique réelle a été "contractée" dans le kumijo 7. Si on veut la retrouver dans sa dimension d’origine, il faut décompresser ce kumijo, le dilater, le regonfler de manière à retrouver le contexte original dont maître Saito a volontairement opéré la réduction pour inscrire la forme dans la perspective linéaire de sa méthode.
Autrement dit, l’exercice qui a été ramené de quatre directions à une direction par maître Saito dans un objectif pédagogique, doit être rétabli dans les quatre directions une fois que l’objectif pédagogique a été atteint, c’est-à-dire une fois que la forme a été apprise et comprise. C’est un tel travail qui est montré dans la vidéo :
Car c’est bien la même forme qui va être rétablie dans les quatre directions : c’est la même forme qui, au lieu d’être appliquée quatre fois de suite dans la même direction avec un adversaire unique, va être appliquée dans les quatre directions avec quatre adversaires différents :
Les quatre techniques qui constituent l’exercice en ligne appelé kumijo 7 ne changent pas quand elles sont appliquées dans les quatre directions. Ce sont les mêmes techniques, dans le même ordre exactement, la seule chose qui change c’est qu’elles ne sont plus appliquées sur les 180° d’une droite, mais désormais selon quatre origines d’attaque différentes, dans les 360° du cercle.
Et je parle bien ici de quatre techniques. Le kumijo 7 n’est pas - en réalité - composé de trois techniques et d’une variation, car le fauchage de la jambe et le contrôle du coude sont la même action. Il s’agit d’un mouvement unique où l’extrémité haute du jo frappe le coude (ou le visage) d’un adversaire, en profitant de la dynamique qui permet à l’extrémité basse du jo de crocheter la jambe d’un autre adversaire. Les deux actions solidaires et complémentaires ne font qu’un, mais la jambe (gedan) est nécessairement juste avant le coude (jodan).
Nous trouvons dans cette particularité la réponse à la question posée dans le dossier précédent : maître Saito a présenté le fauchage de jambe comme base et le contrôle du coude comme variation car il s’agit là de l’ordre chronologique obligatoire des deux actions quand on travaille avec quatre adversaires. Rien de ce qui est dans la méthode n’est fait sans raison, tout a été réfléchi.
Pour les besoins de sa pédagogie, maître Saito a donc ramené un exercice complexe à un exercice plus simple. Mais il l’a fait de telle manière que soit toujours conservée la possibilité de parcourir le chemin inverse, c’est-à-dire de retrouver l’exercice complexe à partir de l’exercice simplifié. C’est le génie de maître Saito d’avoir rendu possible cet aller-retour, et c’est le but qu’il a fixé à sa méthode : donner aux étudiants la base technique indispensable pour revenir un jour à la vérité du mouvement - pour revenir à l’Aikido donc - après qu’ils aient parcouru pendant bien des années le long chemin de la préparation à l’Aikido, de la gymnastique de l’Aikido…
Trahir maître Saito, ce n’est pas quitter le domaine de la méthode quand le moment est venu de faire cela, trahir maître Saito c’est choisir la facilité, c’est se complaire toute une vie dans la méthode en pensant qu’on y trouvera l’Aikido. Maître Saito n’a jamais prétendu que l’Aikido se trouvait dans sa méthode, mais il a en revanche posé dans cette méthode les jalons nécessaires à découvrir l’Aikido, pour peu que l’étudiant comprenne ce qui est en jeu dans la démarche qu’il a proposée. Certes le nid est rassurant, mais c’est seulement en le quittant que l’oiseau peut espérer voler.