Shomen uchi et yokomen uchi sont proches, mais il est nécessaire de bien faire la différence entre ces deux frappes car elles dépendent des conditions biomécaniques du mouvement effectué par le corps dans chaque cas. Ce qui veut dire qu’elles ne sont pas interchangeables, on ne peut pas faire l’une ou l’autre indifféremment, parce que chacune est la conséquence nécessaire et unique d’un mouvement différent du corps.
Je vais expliquer cela en prenant l’exemple du kumitachi n° 5 qui est illustré sur la vidéo :
Shomen est une frappe rigoureusement et parfaitement verticale. L’angulation du ken y est de 0°. Pour obtenir une angulation ainsi égale à zéro, il est nécessaire que les hanches ne soient pas de profil au moment de la frappe, j’insiste bien : au moment de la frappe. Tout mouvement d’Aikido débute bien entendu par hanmi, et les hanches sont évidemment de profil au stade initial, c’est l’étape du triangle (sankaku), et elle est fondamentale. Le moment de la frappe en revanche est celui du carré, et les hanches (koshi) sont de face (kenka koshi) dans cet instant très court. Si les hanches sont par erreur de profil à ce moment, le sabre descendra selon un angle - fût-il minime - et il manquera alors au mouvement ce qui caractérise tout shomen.
Ceci veut dire qu’il n’y a qu’un seul schéma corporel qui permette de frapper shomen, et c’est en bonne logique celui du premier suburi de ken, qui porte naturellement pour cette raison le nom de shomen uchi komi. Le sabre y monte tout droit et y descend tout droit, sur place, il n’y a pas de déplacement.
Le schéma corporel de ce premier suburi est ensuite utilisé dans les suburi n° 2, 3, et 4. On y retrouve la même base fondamentale, mais ajustée cette fois au déplacement.
Voilà pourquoi - quand les suburi 1, 2, 3 et 4 sont correctement exécutés - la frappe y est un shomen uchi parfait.
Voilà aussi pourquoi la première attaque d’uchi tachi dans le kumitachi n° 5 est un shomen uchi. C’est bien ainsi que maître Saito l’enseignait, et on peut s’en assurer en consultant son livre Traditional Aikido, vol. 2, p. 36. Il écrit en effet sans ambiguïté pour cette attaque d’uchi tachi : "shomen uchi komi".
Le suburi n°5 marque une rupture : au lieu de monter le ken tout droit et de le descendre pareillement, le corps lance cette fois le ken en rotation de la droite vers la gauche et de la gauche vers la droite. Par l’effet de cette rotation, le ken ne peut plus frapper avec une angulation égale à zéro, il atteint nécessairement sa cible avec un angle. Attention, l’angle ici n’est pas la conséquence d’un mauvais positionnement des hanches comme précédemment, mais celle du mouvement rotatif engagé par le corps. Même si le placement kenka koshi des hanches est parfaitement carré, le ken parvient malgré tout avec un angle, c’est la rotation de l’axe du corps qui empêche qu’il en soit autrement.
Cette base de yokomen est reprise dans les suburi n° 6 et 7 du ken où elle est combinée avec tsuki, et c’est pourquoi on peut dire que le suburi n° 5 est à yokomen ce que le suburi n° 1 est à shomen.
C’est cette même base qu’on retrouve dans les trois dernières frappes d’uchi tachi dans le kumitachi n° 5. Le ken y passe d’un côté à l’autre du corps au moyen de la rotation, c’est pourquoi la frappe y est nécessairement yokomen :
Maître Saito l’enseignait ainsi, et on peut s’en assurer en consultant à nouveau son livre Traditional Aikido, vol. 2, p. 36 où il écrit sans ambiguïté "uchi komi" pour l’attaque d’uchi tachi dans les dernières frappes, et non pas "shomen uchi komi" comme il le fait pour la première frappe. Uchi komi signifiant ici toute frappe autre que shomen et tsuki, et donc nécessairement yokomen puisqu’il n’existe pas plus que ces trois manières de frapper avec un sabre japonais.
J’ai pris une référence bibliographique de maître Saito pour expliquer le rapport shomen/yokomen. Je double cette référence en confirmant qu’il m’a toujours enseigné ainsi à Iwama pendant mes années d’uchi deshi, entre 1986 et 2000.