J’ai rencontré des gens très forts physiquement, avec des bras comme des cuisses, dont l’articulation des poignets était néanmoins d’une grande fragilité. De telles personnes, malgré leur taille, sont très sensibles à la technique nikyo, et il faut peu de chose pour les mettre par terre.
L’entraînement d’Aikido renforce les articulations, et notamment celle du poignet, qui devient très résistante à la torsion. A cause de cela, il est totalement illusoire d’imaginer qu’on puisse "passer" nikyo sur un pratiquant aguerri sans le placer au préalable dans un état de déséquilibre. Cette photo de Morihiro Saito en 1974 à l’aéroport de San Francisco est un clin d’œil vieux d’un demi-siècle, mais qui en dit beaucoup :
Pour que la technique nikyo puisse fonctionner, tori doit en premier lieu se déplacer en utilisant le principe irimi-tenkan, qui se traduit pour le corps par le mouvement tai no henka, c’est ce que montre la vidéo :
Ce déplacement amène uke dans une position telle que son corps en déséquilibre repose tout entier sur le seul point d’appui de son poignet :
Comme ce poignet est par ailleurs fixé à l’axe de la rotation que tori est sur le point de déclencher, la technique nikyo acquiert une puissance redoutable. L’effet de la clef qui verrouille ainsi le coude d’uke par rapport à son poignet permet de comprendre que ni-kyo est ni (deux) parce qu’il contrôle deux articulations, tout comme i-kkyo est ichi, i (un) parce qu’il contrôle seulement l’articulation du coude, et comme san-kyo est san (trois) parce qu’il sollicite les trois articulations du poignet, du coude et de l’épaule .
Ce qui est très remarquable, c’est que le déplacement irimi-tenkan de tori qui est nécessaire à créer ces conditions idéales de la technique sur uke, est en même temps le déplacement idéal permettant à tori de se déplacer vers le lieu de parfaite sécurité dans les circonstances d’une attaque venant simultanément des quatre directions.
Ce qui est encore plus remarquable, et pour ma part je m’émerveille de cela, c’est qu’il en est toujours ainsi dans toutes les techniques d’Aikido : l’efficacité maximum et la sécurité maximum sont dans une interdépendance parfaite et permanente dans toutes les circonstances, elles naissent d’un mouvement unique, un mouvement de rotation toujours identique à lui-même qu’on appelle irimi-tenkan. En cherchant la sécurité on trouve l’efficacité, en cherchant l’efficacité on trouve la sécurité. Le caractère systématique de cette relation est très étonnant, et mérite je crois qu’on y réfléchisse. Comment une adéquation aussi parfaite est-elle possible en permanence ? Comment est-il possible qu’efficacité et sécurité soient une quelle que soit la situation ? Une loi de cette nature n’est pas de celles que les juristes ont l’habitude de manier.