A la fin de l’œuvre de Marcel Proust, dans "Le temps retrouvé", le narrateur assiste au bal travesti organisé par la princesse de Guermantes. La fête est réussie, chacun a joué le jeu et pris un soin tout particulier à se transformer jusqu’à devenir méconnaissable, parvenant à modifier qui sa démarche, qui son attitude, qui son expression. Le maquillage déforme les traits et altère les physionomies, fabrique des moues nouvelles, des rictus, des grimaces parfois. L’effet en est accentué par les barbes et les calvities postiches, par les chignons décolorés, et notre personnage peine à reconnaître tous ces gens qu’il connaît pourtant bien, tant leur apparence est modifiée par l’ingéniosité de déguisements plus vrais que nature.
Puis, comme au sortir d’un rêve, il comprend soudain qu’il n’y a pas de bal costumé, que tous ceux et toutes celles qui sont là ne sont pas travestis, ils ont seulement traversé le temps, ils ont vieilli. Il n’y a pas de masques, pas de fard, pas de teinture, pas d’artifices, il y a seulement la métamorphose naturelle que le temps impose à ceux qui occupent à un moment donné une place en son sein.
C’est de cette manière que le temps semble s’amuser avec nous, mais ses facéties nous permettent peut-être de comprendre que nous sommes dans le temps, que nous y avons notre place au même titre que nous l’avons dans l’espace.
L’énergie qui se dissipe ainsi dans la transformation de nos êtres, et qui finit par nous détruire, ne peut pas - en vertu de la loi du yin et du yang, la loi des contraires - ne pas avoir sa contrepartie, qui est de construire. Je crois que nous construisons ensemble, quand bien même il est difficile de définir avec certitude ce qui se construit.
Je partage cette vision de Stefan Zweig que notre vie possède des courants plus profonds que les éléments extérieurs qui nous rapprochent et nous séparent en permanence. Et au-delà des années, des aléas et des péripéties du chemin, les compagnons de route demeurent les compagnons de route, ils ne sont pas là sans raison. La personne qui arrive est la bonne personne, et aucun flocon de neige ne tombe jamais au mauvais endroit.
J’invite ainsi personnellement tous mes élèves, tous ceux qui le voudront bien, tous ceux qui seront disponibles, à participer au séminaire d’Aikido qui aura lieu à Corfe Castle, sur l’île de Purbeck, dans le comté de Dorset, en Angleterre, les 29, 30, et 31 août prochains.
Cette manifestation est organisée par ITAF, mais elle est ouverte à tous les pratiquants, quelle que soit la fédération ou le groupe au sein desquels ils pratiquent l’Aikido. Tous sont bienvenus.
Je serai heureux d’y accueillir ceux qui par le passé m’ont accompagné d’une manière ou d’une autre, à un moment ou à un autre. Tous me sont proches, même ceux que je n’ai pas vus depuis trop longtemps. Je serai heureux également d’y rencontrer de nouveaux compagnons. Je serai heureux - dans l’optique de cette construction qui est une œuvre commune - de transmettre ce que j’ai pu comprendre de l’Aikido.
Philippe Voarino
A un moment du temps.