Le corps doit devenir le réceptacle des six sons. — Morihei Ueshiba, Takemusu Aiki, vol.III, p.41, Editions Cénacle de France

La division du cercle selon l’angle de 60° a établi, dans HV #5, que l’ouverture du pied avant à un angle de 30° par rapport à l’axe central, met ce pied en relation géométrique avec l’épaule opposée. Notons bien ceci : il n’existe aucun autre angle qui permette d’établir ce rapport.

De même il n’existe qu’un seul angle, celui de 23°, qui permette de relier l’axe de l’homme au cercle, par l’intermédiaire du bras.

Or, ces deux angles, chacun unique dans son domaine si l’on peut dire, se croisent au point – lui-même unique (B) – de la section divine φ de l’épaule.

Trois fois un, donc, égalent un :

Dès lors, comment combiner – du point de vue de l’Aikido et des six directions – les deux indications d’angle qui se trouvent dans le dessin de Léonard de Vinci, l’angle de 30° et l’angle de 23° ?

Nous allons essayer de montrer qu’elles ne sont pas contradictoires, mais en réalité complémentaires.

La position hito-e-mi est telle que l’homme, quand il l’adopte, projette son ventre devant lui avec un angle légèrement inférieur à la direction de son pied avant. Ce n’est pas un choix, c’est une nécessité physiologique si l’on veut conserver ses mains, son sabre, ou son jo dans le prolongement du ventre :

Voilà donc où se trouve la différence entre les deux angles : l’angle de 30° est celui de l’ouverture du pied avant en hito-e-mi, alors que l’angle de 23° est celui dans lequel le corps peut entrer (iru, irimi) droit devant lui grâce à l’ouverture préalable du pied avant en hito-e-mi.

Il est bon de rappeler la phrase de Morihiro Saito, citée in extenso dans HV #3 :

(…) l’Aikido, dans sa forme véritable de Ki, est un art fougueux perçant droit à travers le centre d’opposition. La nature de l’art est telle que vous n’êtes pas censé vous adapter à votre partenaire en faisant un large détour avec votre corps, mais dans l’obligation de trouver le moyen d’entrer droit devant vous tout en opérant une rotation des hanches.

« Le moyen d’entrer devant vous », c’est hito-e-mi précisément, et c’est donc le triangle.

Essayons maintenant de nous représenter un instant l’homme de Vitruve de dos, comme O Sensei dans l’encadré.
Que fait-il ?

Il tourne sur son axe vertical. Ce faisant, le pied gauche pivote de 30° vers l’extérieur, ainsi que l’indique la construction géométrique rigoureuse de Léonard de Vinci. Le pied droit, qui n’a pas encore avancé, se trouve alors dans une position d’appui optimale pour pousser. Cette poussée – à cause des proportions de l’homme – s’effectue nécessairement dans un angle de 23°, angle indiqué par la géométrie comme seul possible (cf. HV #4). Ce pied d’appui est évidemment indispensable, c’est l’assise. La jambe c’est la colonne qui transmet la poussée issue du centre du bassin et qui enfonce le pied arrière en vrille vers le sol. Quand ces éléments sont réunis, la vrille de l’axe sur lui-même est alors transmise vers la partie supérieure du corps. Elle se propage à partir du bassin, via la colonne vertébrale, au point G, qui doit à son tour transmettre l’énergie à l’extrémité du bras via l’épaule (point B), ce qui ne peut être fait correctement – à cause de la proportion φ de l’homme – qu’en respectant l’inclinaison des bras à 23°.

La première partie d’un mouvement d’Aikido authentique est donc le résultat de la combinaison de trois angles :

  1. l’angle de la direction du pied avant, de 30°,
  2. l’angle de la direction du ventre, de 23°,
  3. l’angle de l’inclinaison nécessaire à la poussée des bras et à la technique, de 23°.

Il existe donc bien, comme le montre la croix de l’homme de Vitruve, une correspondance géométrique et physique entre un pied et l’épaule opposée : l’ouverture du pied avant permet l’entrée de l’épaule arrière. C’est une loi fondamentale du corps humain et donc de l’Aikido : la puissance est délivrée par une vrille du corps. L’effort en ligne, au contraire, est un effort seulement musculaire, qui ne respecte pas le principe spiralé de l’action.

Philippe Voarino, octobre 2013