L'action unique

Si irimi-tenkan est bien le principe de l’Aikido, il est un, c’est-à-dire qu’il est unique, identique à lui-même en toutes circonstances.

Quand ce principe est mis en œuvre cependant, il l’est selon deux modalités symétriques de l’énergie, et il dépend de celles-ci pour son expression, bien que - nées de lui - elles lui soient secondaires.

Ces deux modalités sont de nature contraire et complémentaire. Nous avons pris l’habitude orientale de les nommer yin et yang, mais cela n’avance à rien car on ne fait là qu’habiller une ignorance avec des mots, l’ignorance porte désormais un nom mais elle demeure. C’est de la même manière que les savants qui précédèrent Lavoisier et ses découvertes sur l’oxygène expliquaient la combustion : le feu brûle parce qu’il y a en lui un "fluide phlogistique" (phlogistos en grec veut dire inflammable)... La belle affaire, le feu brûle parce qu’il y a en lui du "qui-brûle" !

Essayons donc de savoir ce qui, concrètement - c’est-à-dire pour nous - peut bien être yin ou yang dans une technique d’Aikido. Il existe une réponse à cette question : c’est le sens de rotation. La rotation est en effet l’énergie du mouvement d’Aikido, et cette énergie se développe toujours selon deux sens contraires. Quel que soit le sens de rotation utilisé, ce dernier possède en effet son symétrique, quand l’un est yin l’autre est yang, et vice-versa.

Le sens de rotation est donc la manifestation concrète du yin et du yang pour ce qui regarde le mouvement d’Aikido. Il peut avoir les attributs du yin ou les attributs du yang selon les circonstances. Car yin et yang n’ont pas de signification en soi, ils n’en ont une que dans la relation qu’ils entretiennent l’un avec l’autre et qui les unit. 

Nous avons avancé un peu, essayons d’aller plus loin encore. Sous quelle forme apparaît matériellement, sous nos yeux, le sens de rotation ?

Et bien il suffit de regarder : à partir de la position hanmi, selon que la rotation s’effectue dans un sens ou dans le sens contraire, c’est le pied avant de tori qui est lancé en premier ou bien son pied arrière. La vidéo montre une rotation qui entraîne le pied avant d’abord :

Le sens de rotation lance donc l’un des deux pieds vers l’avant, et le sens de rotation symétrique lance l’autre pied vers l’avant également. Dans les deux cas, cette première partie du mouvement d’Aikido porte le nom d’irimi. Selon le sens de rotation, irimi est donc manifesté tantôt par l’avancée initiale du pied avant, tantôt par l’avancée initiale du pied arrière

Par conséquent :

1 - Le choix fondamental est celui du sens de rotation, c’est lui qui détermine la direction du déplacement. Une fois le sens engagé – que ce soit avec le pied avant ou avec le pied arrière - la suite est invariable : la rotation entraîne la jambe restante dans la partie tenkan du mouvement. 

2 - Il n’y a pas d’autre déplacement que celui-là en Aikido. C’est la conséquence de deux choses : le départ en position hanmi, et le fait que le moteur de l’action soit rotatif. Voilà pourquoi la pratique quotidienne débute systématiquement par tai no henka (on commence par l’essentiel). C’est là une prescription d’O Sensei.

3 - Ce déplacement, toujours identique à lui-même, permet de rétablir une situation compromise (c’est pourquoi il porte aussi le nom de tai sabaki). Il autorise en effet tori à se déplacer dans six directions différentes (roppo) à partir de la position hanmi. O Sensei a expliqué cela.

4 - Sur ces six directions trois tournent dans un sens, les trois autres tournent dans le sens contraire (en vertu des deux sens de rotation, c’est-à-dire du yin et du yang). Il y a ainsi une spirale intérieure et une spirale extérieure. O Sensei a également expliqué cela.

5 - Chaque fois qu’un sens est engagé, la spirale qui le caractérise doit être menée à son terme (c’est le principe de l’unité d’action).

Quiconque comprend les cinq points ci-dessus comprend l’Aikido, tout le reste n’est que technique, et une bonne méthode suffit à apprendre la technique.