Pardon d’imposer aujourd’hui le monologue un peu trop long de cette vidéo :
Je le fais parce que ce moment de cours me semble compléter le dossier précédent, en permettant de mieux comprendre pourquoi le balayage de la jambe et le contrôle du coude ne doivent pas être considérés comme deux techniques différentes, mais bien comme les deux conséquences différentes d’une même action.
En effet, le caractère d’immédiateté qui caractérise la succession de ces deux actions est possible seulement parce que nous nous trouvons ici en présence de deux effets entraînés par la même cause, d’une dualité de formes nées d’une origine unique.
N’est-ce pas là une approche très concrète par la réalité martiale d’une question métaphysique, à savoir comment l’unité donne-t-elle naissance à la dualité ? Ou si l’on préfère et ce qui revient au même : comment, à partir de la dualité du monde, retrouver l’unité de son principe ?
Cet exemple permet peut-être de mieux saisir le chemin que propose l’Aikido, celui du Un. Les techniques appartiennent au monde de la dualité, mais aussi longtemps seulement qu’on ne parvient pas à voir le principe unique qui les fait naître toutes. Elles cessent d’appartenir au monde de la dualité quand ce principe devient visible… et qu’il est mis en œuvre évidemment. C’est l’objet de l’entraînement d’Aikido d’accéder à la vision d’un monde unifié derrière la diversité immense de ses formes.
La méthode est un système humain d’apprentissage qui se situe à ce titre dans le monde de la dualité, c’est pourquoi elle ne peut faire autrement que parler de base (kihon) et de variation (henka). Mais elle conserve toutes choses égales par ailleurs afin d’être un reflet pédagogique authentique du réel, et ne pas entrer en conflit avec la logique du principe d’action. Car les "deux" techniques qui nous occupent ici interviennent dans un ordre nécessaire, un ordre qui est imposé par le mouvement lui-même, qui ne résulte pas du choix de l’individu, et qui doit absolument être préservé. En définissant le fauchage de la jambe comme une base et le contrôle du coude comme une variation, maître Saito a respecté la raison du principe qui veut que l’ordre soit bien celui-là dans le monde de l’unité. Ce faisant il n’a pas fermé le chemin qui peut ramener de la dualité à l’unité quiconque comprend que la méthode n’est pas encore l’Aikido, mais seulement un outil pour découvrir l’Aikido.