L’Aikido est un art de stratégie.
La stratégie consiste à rester en vie sur un champ de bataille, cela veut dire que l’esprit doit être occupé à chaque instant par un danger venu des quatre et des huit directions.
Vaincre un adversaire et mourir frappé par un autre au même moment, ce n’est pas la stratégie. Briser un bras ou un poignet est inutile si on laisse sa vie dans ce pauvre exploit :
Il n’y a pas de technique d’Aikido sur un seul adversaire, même quand il n’y a qu’un seul adversaire. Il n’y a pas de technique d’Aikido véritable sur un adversaire si elle n’est pas réalisée aussi et en même temps en considération de tous les autres adversaires possibles.
Ce qui est efficace uniquement avec un adversaire n’est pas efficace. Ce qui est efficace avec un adversaire doit être efficace avec tous les adversaires. Et inversement, ce qui est efficace avec tous les adversaires est nécessairement efficace aussi avec un seul adversaire.
Cela c’est la stratégie, et c’est l’Aikido. Il n’y a pas de technique d’Aikido sans respect de la stratégie.
La stratégie permet de survivre à l’attaque de plusieurs adversaires, mais elle n’est pas que cela. Miyamoto Musashi a écrit "La valeur véritable de l’escrime ne se borne pas à sa technique", cela veut dire que l’escrime tire sa valeur de l’origine de toute valeur, dont la technique martiale n’est qu’une manifestation parmi d’autres. C’est pourquoi l’art martial est un art. Le guerrier utilise sa technique pour survivre, le peintre pour peindre, le musicien pour la musique, mais la technique n’est une fin en soi pour aucun d’eux, l’art est au-delà de la technique.
La stratégie ne se réduit pas au déplacement, mais pour comprendre la stratégie il faut comprendre le principe du déplacement, car la stratégie est liée au déplacement, comme la peinture est liée à la lumière, et la musique au rythme.
En toute chose il y a un rythme, c’est aussi un enseignement de Musashi. L’Aikido est un rythme à trois temps où la fin d’un cycle et le commencement du suivant ne font qu’un : hanmi-irimi-tenkan-hanmi, le mouvement est inscrit dans ce cercle. Hanmi, le triangle, le début et la fin du mouvement, est comme la clef de la portée musicale, c’est lui qui donne les directives et les directions, elles sont six, je les ai nommées dans un autre article (Praetendere) Cryère, Artique, Calaer, Anatole, Mesembrine et Hespérie. Le mouvement qui va dans ces six directions est toujours le même, c’est irimi-tenkan, c’est un carré. C’est par le carré que le triangle se met en mouvement dans le cercle. C’est le rythme de l’Aikido.Nous avons vu dans le dossier précédent que kote gaeshi peut être exécuté dans les six directions : pas moins, mais pas plus. La vidéo montre que certaines directions sont interdites. Elle montre aussi qu’une direction permet d’exécuter une technique sur un adversaire, d’en contrôler un autre, et de s’éloigner d’autres attaquants éventuels, tout cela dans le même mouvement… toujours :