Dans les années 1960, Mutsuro Nakazono vivait en France où il s’était installé juste après le retour de Tadashi Abe au Japon. A l’occasion d’un cours à Bruxelles dans le dojo de Julien Naessens, pionnier de l’Aikido belge, un petit groupe de pratiquants - dont Pierre Chassang qui m’a raconté lui-même l’anecdote - se retrouve autour d’un verre de bière.
La discussion roule sur la technique, et Naessens dit "moi, pour nikyo, j’ai un p’tit truc".
Expliquer à Nakazono ce que voulait dire "p’tit truc" prit évidemment un peu de temps, mais dès qu’il comprit il lança avec force "p’tit truc très mauvais, p’tit truc dangereux, vite se débarrasser de p’tit truc".
Nakazono voulait ainsi faire comprendre que l’Aikido ne repose pas sur des ficelles, qu’il repose sur un principe d’action toujours égal à lui-même, et qu’une technique fonctionne parce que le principe est respecté, pas parce qu’on a trouvé une quelconque astuce d’exécution. Le p’tit truc est dangereux parce qu’il occupe l’esprit à un artifice dont l’intérêt très relatif réside seulement dans le fait que le principe a été perdu de vue et n’a pas été mis en œuvre : le p’tit truc ne peut pas se substituer au principe.
Il n’y a aucun p’tit truc pour exécuter le kokyu nage de la vidéo, il suffit de respecter l’invariable principe de déplacement de l’Aikido : utiliser irimi-tenkan pour sortir en rotation dans l’une des quatre directions laissées libres par les quatre directions d’attaque. Uke chute alors à l’endroit exact où se trouvait tori l’instant d’avant, dans le vide généré par son déplacement :
Les lignes de tatami sur les trois photos ci-dessus permettent de voir l’angle de déplacement adopté par tori avec son corps, et de vérifier qu’il s’agit bien là d’une diagonale aux quatre directions d’attaque, selon le schéma dessiné par O Sensei lui-même quand il essayait d’expliquer le principe de l’Aikido.