Ki no nagare
Il y a dans le terme japonais nagare l’idée de circulation, de flux.
Le courant d’un fleuve est ininterrompu (sauf quand le fleuve est asséché évidemment).
Cette continuité, cette fluidité sont les éléments qu’il convient d’étudier dans le ki no nagare de l’Aikido.
La recherche de ki no nagare ne doit pas être confondue avec la recherche d’une vitesse d’exécution, et pas davantage avec une recherche de puissance.
Il est vrai toutefois qu’un ki no nagare réussi apportera dans son sillage la puissance juste et la vitesse d’exécution adéquate. Il faut seulement faire attention à ne pas inverser l’ordre des choses.
L’une des fonctions importantes de ki no nagare est de mettre uke en mouvement en créant de la sorte son déséquilibre, on peut voir cela sur la vidéo :
A l’opposé de ki no nagare se trouve kotai.
La première chose à acquérir en Aikido - avant la mobilité - est la stabilité des hanches, et la stabilité des hanches ne s’obtient que par une pratique statique des techniques de base à mains nues, ainsi que par l’entraînement aux suburi et à tanren uchi. Kotai définit la modalité de cette pratique, elle est par définition non dynamique.
Il y a dans kotai l’idée d’une puissance stable, celle du carré, de la forteresse immobile et inébranlable derrière ses murailles. C’est seulement après que les hanches aient été stabilisées par l’étude de kotai que peut commencer l’étude de ki no nagare.
Il est illusoire de penser qu’un homme puisse acquérir la stabilité de ses hanches en débutant l’Aikido par une pratique dynamique des techniques. Le mouvement ne peut compenser le manque de stabilité qui résulte d’un entraînement insuffisant ou inexistant aux techniques en kotai. Les racines du mouvement (kihon) ne s’apprennent pas dans le mouvement.
L’erreur fondamentale de l’Aikikai, et de l’Aikido moderne dans la foulée, a été de plonger d’emblée le débutant dans le mouvement, dans le monde du ki no nagare, ne lui laissant d’autre choix que de retrouver avec le mouvement pour seul moyen, les bases de l’Aikido qui y sont cachées. Ce n’est pas absolument impossible, mais une telle démarche consiste à reprendre à zéro le chemin accompli par le Fondateur, c’est-à-dire au fond à réinventer l’Aikido. Or je ne vois pas beaucoup de pratiquants capables de cela aujourd’hui, je vois en revanche les erreurs d’interprétation auxquelles ce choix pédagogique a mené, et surtout je ne vois pas pourquoi il faudrait faire comme si O Sensei n’avait jamais existé, en se privant de l’aide précieuse qu’il nous a léguée.
Pour éviter tout malentendu cependant, répétons que l’Aikido est tout entier mouvement, on peut même dire que l’Aikido n’a aucun sens en dehors du mouvement. Mais nous sommes ici devant un problème d’apprentissage, il s’agit de tenir compte - dans la méthode pédagogique - du fait que le mouvement seul est incapable de construire la stabilité du corps dans le mouvement. Disons pour résumer que, s’il n’est préparé par kotai, ki no nagare est une coquille vide, une esthétique sans vérité, un leurre.