Dans ki musubi no tachi, après l’exécution de la troisième frappe, c’est-à-dire après le yokomen à la tête, la méthode d’enseignement de maître Saito exige d’uke tachi qu’il finisse ce yokomen par un contrôle sur le dos du sabre d’uchi tachi avant d’enchaîner le mouvement final :
Tous les élèves répètent donc consciencieusement cela, et c’est bien.
Parfois quelqu’un demande quelle nécessité il peut bien y avoir à contrôler le sabre d’un adversaire que l’on vient de décapiter.
La réponse, c’est qu’il n’y a effectivement aucune raison de faire cela avec l’adversaire qui vient d’être frappé, puisqu’il est déjà hors de combat et que son sabre ne représente plus aucun danger.
Mais alors pourquoi ce contrôle ?
La vidéo ci-dessous permet de comprendre la raison qui se trouve derrière le contrôle du sabre d’uchi tachi :
Cette vidéo est pour moi un souvenir un peu particulier, parce que c’est la capture en direct du moment où j’ai enfin compris la raison d’être de ce contrôle pourtant effectué des milliers de fois de manière mécanique pendant trente années d’une pratique régulière de ki musubi no tachi :
Il convient de rappeler ici que je suis un privilégié de l’enseignement Iwama ryu, en ce sens que j’ai vécu longtemps à Iwama, que j’ai été élève direct de Morihiro Saito pendant 16 années, de 1986 à sa mort en 2002, et qu’il m’a remis les plus haut grades sanctionnant la maîtrise de sa méthode d’enseignement, notamment les cinq mokurokus complets d’Aiki-ken et d’Aiki-jo.
Sans doute me faut-il du temps pour comprendre, mais cela veut dire néanmoins qu’il est tout à fait possible de maîtriser la méthode d’Iwama, de l’enseigner, de la transmettre, sans pour autant comprendre ce que l’on fait. Il est possible de répéter parfaitement la méthode sans rien comprendre à l’Aikido.
Pour parvenir à l’Aikido, il est essentiel que la méthode soit décryptée, et pour cela il est nécessaire que chaque exercice de base soit un jour étudié dans les quatre directions. C’est seulement la pratique dans les quatre directions qui permet de lever les apparentes incohérences de l’exercice pédagogique unidirectionnel élémentaire :
Il faut absolument que cette démarche soit entreprise si l’on veut comprendre que l’Aikido ne se trouve pas dans la répétition monotone, une vie durant, d’exercices linéaires, scolaires et routiniers.
La réponse qui doit être donnée à celui qui ne comprend pas pourquoi la méthode oblige à contrôler le sabre d’un adversaire mort, c’est que ce contrôle est en réalité destiné à l’adversaire suivant, après que la lame d’uke tachi ait traversé la tête de l’adversaire précédent :
Pour pratiquer cela il faut évidemment plusieurs adversaires, et comme on ne dispose que d’un adversaire dans l’exercice de la méthode, c’est sur le même partenaire dont on vient de couper la tête qu’on simule le contrôle du sabre, faute de mieux.
C’est le moyen qu’a trouvé maître Saito pour éviter que la connaissance de cet élément de la pratique du sabre ne se perde. Tant pis s’il y a incohérence au stade de la méthode, la répétition mécanique de la technique, quand bien même elle est exécutée mal à propos, permet de sauvegarder l’information. L’essentiel est de préserver l’accès à la connaissance, trouve ensuite qui cherche, comprend qui peut, Saito a fait son travail, merci à lui.