Nous avons vu dans le dossier précédent deux formes possibles de projection sur l’attaque tsuki au jo : une projection à 180° vers l’arrière qui est la forme classique de la méthode d’apprentissage au niveau élémentaire, utilisant seulement l’irimi, et la forme normale ensuite qui utilise l’irimi-tenkan complet.

Ces formes sont toutes deux d’excellents éducatifs, mais la forme martiale véritable est encore différente, et seulement illustrée sur la vidéo ci-dessous :

A partir du moment où les mains de tori se posent sur l’arme d’uke, elle devient en effet son arme. C’est lui désormais qui peut la diriger comme il le souhaite, et donc s’en servir comme il convient de le faire pour une arme, c’est-à-dire en frappant d’une manière ou d’une autre.

En Aikido, les projections peuvent avoir un caractère martial, comme shiho nage par exemple s’il devait être exécuté à pleine puissance. Dans d’autres cas comme jo dori sokumen irimi nage, la projection sans l’utilisation du jo n’est pas une finalité, c’est une technique d’entraînement sans réalité martiale, destinée à permettre le brise-chute d’uke.

Quand jo dori est effectué dans un contexte martial, il n’y a aucun sens à garder l’arme dans une main et à projeter uke avec l’autre bras, comme si on pouvait se permettre de ne consacrer à l’adversaire qu’une petite moitié de la puissance dont on dispose, et de ne pas profiter du temps tenkan pour contrôler les autres directions avec cette arme. Projeter l’adversaire avec un bras comme à l’exercice, c’est ne pas accorder à celui-ci, et à tous les autres qui sont là au moins virtuellement, l’attention qu’ils méritent et qui est nécessaire, c’est une attitude arrogante qui peut coûter cher.

Dans un contexte martial où l’on défend sa vie, si l’on est attaqué sans armes par un adversaire armé et qu’on parvient à saisir son arme, ce n’est pas pour la poser par terre comme à l’examen dan, c’est pour l’utiliser. Il faut le faire immédiatement, c’est-à-dire qu’il faut s’en servir pour la projection.

Les règles martiales sont différentes des règles de l’étude, il est important de ne pas les mélanger, et de toujours savoir à quel niveau on se situe pour l’exécution d’une technique. Sans cela on finit par penser qu’il y a des "styles" différents là où il n’y a en réalité que des niveaux de pratique différents.