Quel est le but de l’exercice ikkyo omote quand il est pratiqué dans la forme de base que nous avons vue dans le dossier "Ikkyo : kihon" ?
L’objectif fondamental de l’exercice pratiqué ainsi est de permettre à l’étudiant d’acquérir une forme technique à l’aide de mouvements inlassablement répétés qui contribuent en outre à développer ses capacités physiques.
Le postulat est qu’on ne peut pas tout apprendre d’un art en même temps, l’exercice est donc simplifié afin que le débutant puisse au départ consacrer 100% de sa concentration à la seule étude technique de la forme qui lui est proposée.
Dans ce but, on lui donne à faire un exercice duquel on a artificiellement retiré la dimension irimi-tenkan. Notre étudiant peut alors effectuer ikkyo omote comme on lui demande, c’est-à-dire en translation, sans se préoccuper du principe rotatif qui est pourtant le cœur de l’Aikido. Il apprend ainsi à coordonner ses gestes, il pousse le coude d’uke en utilisant l’appui de sa jambe arrière et comprend ainsi le principe de transmission des forces, il prend conscience de la mobilisation des hanches dans l’ouverture du corps en hito e mi, il découvre la morphologie et par exemple l’utilisation de l’olécrane dans l’immobilisation du coude en extension sur ikkyo, etc.
Tout cela est très nécessaire à l’apprentissage de la forme technique, encore faut-il comprendre qu’il ne s’agit là que d’une préparation à l’Aikido, et que l’Aikido ne se trouve pas dans la technique, qu’il est au-delà de la technique, et qu’il apparaît seulement avec le principe rotatif qui porte le nom d’irimi-tenkan, principe matérialisé par un déplacement portant quant à lui le nom de tai no henka.
Irimi-tenkan est introduit dans l’entraînement au stade eki tai, c’est-à-dire quand l’étudiant connaît bien désormais la forme technique qu’il a apprise aux stades kotai et jutai, et qu’il est devenu capable de combiner cette forme avec le déplacement rotatif qui donne vie et sens à l’Aikido, avec tai no henka donc.
Ki no nagare est alors le moyen par lequel tori cesse d’adapter sa "réponse" à l’attaque d’uke, et oblige au contraire uke à subir l’énergie centrifuge ou centripète générée par le mouvement dont il est désormais lui-même l’origine.
Dès lors, le mouvement qui s’exerçait en simple translation dans les stades kotai et jutai apparaît pour ce qu’il était : une phase transitoire de l’apprentissage. Cette phase est dépassée, uke est désormais aspiré par l’énergie de la rotation et amené dans l’immobilisation d’ikkyo, comme l’eau est propulsée sans effort par l’hélice du bateau. On peut commencer à parler d’Aikido, la technique est ramenée à sa juste place : un élément nécessaire mais secondaire du processus de transformation d’une situation conflictuelle.
Il ne faut pas sous-estimer la dimension purement pédagogique de la plus grande partie de l’enseignement qui est transmis aujourd’hui sous le nom d’Aikido et qui n’est pourtant pas encore de l’Aikido. Car la méthode d’enseignement est légitime, mais il est légitime aussi de ne pas la prendre pour ce qu’elle n’est pas. Sans quoi on réduit l’Aikido à une méthodologie pour enfants de classes élémentaires.