Il existe un grand nombre de livres sur la pratique de l’Aïkido, aussi intéressants et détaillés soient ils, il y manque le plus important. Les photos n’identifient bien souvent que la fin des mouvements oubliant de montrer et d’expliquer la façon d’arriver à cette "position finale". Les techniques livresques sont construites d’une étape reconnaissable par sa forme extérieure à une autre.
L’important étant souvent dissimulé, invisible aux yeux qui ne reçoivent un enseignement direct. Ce serait se tromper que de mettre en place une pratique ayant pour objectif la forme plutôt qu’une pratique mettant en place la forme comme une conséquence de quelque chose de plus subtil.
Prenons l’exemple d’un mouvement de jo, que nous pouvons retrouver facilement en parcourant le catalogue : suburi / kumi jo / ken tai jo / San ju ichi no jo / Ju san no jo / ... Réalisé à droite comme à gauche, debout comme à genoux (nous verrons dans un prochain article les raisons pour conserver ou réaliser un mouvement à genoux ou debout)
Réaliser ce mouvement en ne cherchant qu’à reproduire la fin du mouvement, l’image que nous en avons, est, le plus souvent source d’erreur. En se tenant à l’image, nous voyons un pratiquant se protégeant à l’aide de son jo, c’est une erreur…
Pour construire ce mouvement au plus juste il est impératif d’en étudier la genèse.
Utilisons donc ce que le catalogue nous offre. Creusons un peu le travail du ken tai jo et plus précisément les premiers mouvements des awase CHOKU HARAI et KAESHI HARAI.
1er temps de l’awase Choku Harai
1er temps de l’awase Kaeshi Harai
Si nous ne faisons que travailler ces exercices l’un après l’autre comme ils sont disposés ici, à la suite, indépendamment l’un de l’autre alors il est difficile d’utiliser ces exercices pour avoir des éléments de réponse sur la genèse de la technique.
En étudiant ces deux mouvements dans une pratique plus globale, nous découvrons alors ce qui ne se voit pas…
Nous pouvons nous apercevoir que le 1er mouvement travaillé dans l’awase kaeshi harai est la continuité du 1er mouvement travaillé dans l’awase choku harai. Et ainsi nous pouvons dire que :
La fin d’un mouvement est le début du suivant
Ce fait change un grand nombre de chose, la plus importante :
Nous ne cherchons pas à faire venir l’arrière du jo en avant pour protéger la tête et le corps, l’arrière du jo vient dans la continuité d’un mouvement ou l’avant du jo a déjà été utilisé.
Nous n’avons plus ici un mouvement de protection mais deux mouvements d’attaque (ceci sera détaillé dans l’article suivant). Cette simple modification dans la construction de la technique ouvre à d’autres horizons, par exemple :
- Une logique martiale retrouvée qui disparaissait avec la notion de protection.
- Une ouverture sur un travail multidirectionnel.
- Un rapport avec le temps et la vitesse d’exécution différent.
Une fois de plus nous pouvons apprécier le génie de la méthode mise en place par Morihiro Saito Sensei. Modifier l’ordre d’apprentissage des exercices (exemple ici des awase du ken tai jo) et surtout de ne pas chercher à considérer un mouvement dans la globalité et la totalité du catalogue, c’est prendre le risque de perdre la logique, l’essence des mouvements.
Nous ne répéterons jamais assez que les enseignants, les sempai doivent avoir une parfaite connaissance de la totalité du catalogue afin de développer une vision globale et d’utiliser les exercices non plus comme une somme de connaissances séparées les unes des autres mais bien comme un tout intimement lié.
Utiliser un mouvement pour en construire un autre, expliquer un mouvement à la lumière d’un autre est la base du RI-AÏ.
Matthieu Jeandel, octobre 2011