Hito e mi est engendré par un mouvement rotatif, hito e mi est le produit d’une rotation du corps autour de son axe vertical. C’est un passage du corps par un point de l’espace, tout aussi éphémère que le passage des pales de l’hélice dans le plan de leur révolution. Quand l’hélice est en rotation, la pale ne s’arrête pas, il en va de même d’hito e mi, et c’est pour cette raison que ce n’est pas une position, à la différence de hanmi.

Si l’on décortique la rotation, on s’aperçoit que l’action tenkan de la hanche externe a pour conséquence l’ouverture de la partie avant du corps, et notamment de la jambe et du pied. Cette ouverture est la condition nécessaire à l’entrée ( irimi ) de la hanche interne, parce qu’elle permet à la partie arrière du corps de pénétrer dans l’espace ainsi libéré.

Dire les choses ainsi pourrait laisser penser qu’il y ait une antériorité de la hanche tenkan, et que la hanche irimi ne ferait que "suivre" le mouvement de cette dernière. Ce n’est pas le cas : la simultanéité des deux mouvements complémentaires est parfaite et totale, et c’est pour cette raison que l’awase est idéal. J’ai simplement indiqué auparavant que le sentiment devait se positionner sur la hanche tenkan, ce qui ne veut pas dire qu’il y ait antériorité du mouvement tenkan.

Ceci nous donne peut-être une piste pour comprendre la notion d’amour qui se trouve au cœur de la pensée d’O Sensei. L’amour n’y est pas la force sentimentale qui nous est familière, il est compris plutôt comme la fusion de deux forces complémentaires qui engendrent. La fusion d’un homme et d’une femme fait naître un enfant, la fusion des forces complémentaires en Aikido fait naître un mouvement qui, vu de l’extérieur, prend l’aspect d’une forme technique. La forme technique qui nous a servi, dans ce dossier, à visualiser cette mécanique, s’appelle shiho nage.

Philippe Voarino, février 2019.