Je ne suis pas ingénieur, et je parle ici d’un phénomène, la cavitation, que je connais seulement par la vulgarisation. Qu’on me corrige si je commets des erreurs.

La cavitation est la naissance de bulles de gaz ou de vapeur dans une substance en relation avec la pression atmosphérique (l’eau par exemple), qui parvient à une rupture de l’équilibre existant entre sa phase gazeuse et sa phase liquide. Cette rupture d’équilibre est causée par une dépression.

C’est ainsi que l’hélice d’un sous-marin peut créer des bulles à une grande profondeur : l’eau est portée au point d’ébullition, non pas par la chaleur, mais par la dépression générée par l’hélice. L’hélice peut faire cela parce que chacune de ses pales est usinée de telle manière que l’endroit de la pale opère sur l’eau une pression, alors que l’envers de cette même pale provoque dans l’eau une dépression. C’est l’union intime de la dépression et de la pression engendrées par la rotation des pales, qui produit l’énergie nécessaire à faire avancer le sous-marin.

Les hanches d’un homme sont, autour de l’axe vertébral, comme les pales d’une hélice autour de son arbre : chaque fois qu’une hanche est en pression, la hanche symétrique est en dépression, et inversement. L’Aikido appelle irimi la hanche en pression et tenkan la hanche en dépression.

De même que la dépression crée dans l’eau une rupture d’équilibre entre la phase gazeuse et la phase liquide, la dépression tenkan crée en Aikido une rupture d’équilibre du corps de l’adversaire. La technique d’Aikido consiste à aspirer aite dans un vide au moyen de la dépression créée par la hanche tenkan, tout en le projetant conjointement dans ce vide au moyen de la pression exercée par la hanche irimi. Dans ce processus, les deux hanches fonctionnent en synergie, aucune n’a l’avantage sur l’autre, elles dépendent l’une de l’autre. Cette rotation complémentaire des hanches est la première manifestation visible du principe d’action de l’Aikido, première manifestation visible du yin et du yang si l’on veut, manifestation qui obéit indubitablement aux lois de la physique.

Tout cela n’a rien à voir avec l’aspect omote ou ura que peut éventuellement revêtir une technique. Omote et ura ne sont que des modalités de la technique, qui apparaissent seulement dans un deuxième temps, et qui n’existeraient pas si le principe d’action n’était pas mis en œuvre dans un premier temps. Omote et ura sont deux conséquences du principe d’action irimi-tenkan, elles apparaîtront de manière aléatoire, selon que les circonstances exigent l’une ou l’autre possibilité. Et elles n’apparaîtront pas du tout dans certains cas où ces distinctions relatives ne sont pas pertinentes (il n’existe pas, par exemple, d’irimi nage omote et d’irimi nage ura, irimi nage est irimi nage, toujours égal à lui-même, il s’effectue toujours dans le dos de l’adversaire). Au contraire d’omote et ura, le principe d’action irimi-tenkan existe avant toute autre chose, il est premier, il ne dépend de rien d’autre que de lui-même, il est sa propre origine, il est l’origine.

Et dire qu’on enseigne aujourd’hui au plus haut niveau de l’Aikido que les couples irimi-tenkan et omote-ura ne sont jamais que des synonymes, qu’ils sont substituables ! Je connais même un responsable de l’enseignement Takemusu dans les pays scandinaves qui a déclaré qu’irimi et tenkan étaient des termes vieillis et surannés – démodés en somme – qu’on utilisait jadis pour parler d’omote et d’ura, et qu’il convenait de ne plus les utiliser, qu’il valait mieux désormais leur préférer omote et ura… vive la confusion, vive la modernité !

Philippe Voarino, mai 2019.

Traduction
Georgian - ქართული