Ce qui provoque le déséquilibre d’uke, et finalement sa chute, s’il tient fermement les poignets de tori, c’est ici – comme dans toute technique – la rotation de tori.

Dans la situation de la vidéo, tori ne peut pas espérer projeter uke en l’amenant tout droit vers l’avant car avec une telle action, rien n’empêcherait uke de faire un pas vers l’avant et de rétablir son équilibre. D’autre part, vers l’avant se trouve théoriquement un adversaire et cette direction est donc interdite.

De même, tori ne peut pas espérer projeter uke en reculant, car avec une telle action il ne le déséquilibre nullement.

C’est seulement irimi-tenkan, c’est-à-dire la rotation de l’axe corporel de tori (qui se fait ici dans son secteur arrière droit), qui lui permet de trouver le déséquilibre d’uke sur l’avant droit de ce dernier, direction qui est naturellement faible dans la position où il se trouve, et dans laquelle il chute donc volontiers.

La spirale d’O Sensei débute donc dans ce cas avec le pied arrière (en irimi), suivi du pied avant (en tenkan). Il est fondamental de ne pas confondre ce tenkan du pied avant (en rotation arrière donc) avec un simple recul linéaire du pied avant. L’irimi-tenkan est en effet ce qui confère sa puissance à la coupe shomen uchi vers l’avant. Un simple recul du pied avant empêche au contraire toute puissance et toute réalité d’une coupe shomen vers l’avant.

En effet, il est bien entendu que couper shomen vers l’avant, en amenant le pied avant vers l’arrière en position hanmi, c’est-à-dire en reculant, est ce que l’on doit faire dans le cadre de la méthode. C’est l’exercice go no awase du ken par exemple. Mais il est aussi évident que ce déplacement vers l’arrière ne permet pas au sabre d’uke tachi d’être à portée de frappe du corps d’uchi tachi. Quand il recule ainsi, uke tachi ne peut frapper que sur le ken d’uchi tachi. Et tout cela est très bien puisque c’est précisément ce qui est recherché et ce qui est demandé dans l’exercice qui est proposé.

Mais la pratique régulière de l’exercice pédagogique de go no awase ne doit pas empêcher de voir que la frappe à distance réelle (pour le corps d’uchi tachi), et avec une puissance véritable, c’est-à-dire une autre puissance que celle des épaules, si elle ne peut se faire en reculant, ne se fera pas plus en avançant, et pas davantage en inversant les pieds sur place. Car l’Aikido n’est pas linéaire, la frappe réelle se fait nécessairement en rotation, et c’est pour cette raison qu’il est impossible de couper en hanmi (on dispose de centaines de photos qui montrent qu’O Sensei n’est jamais en hanmi au moment de la frappe quand il fait irimi-tenkan). On pourra consulter sur ce point la rubrique intitulée « Le déplacement d’O Sensei », et aussi « Aiki ken #10 ».

La rotation irimi-tenkan est le seul mouvement qui respecte le principe d’action de l’Aikido, et c’est pourquoi elle confère en même temps la distance juste (maai), la puissance efficace (ryoku), l’angle correct (kakuto), et une position de sécurité.

Philippe Voarino, février 2018.