L’immobilisation réelle de nikyo est atteinte, comme toute technique, en utilisant la spirale d’O Sensei.
Ce déplacement, que nous connaissons bien désormais, et qui permet de quitter le cercle des adversaires, a une conséquence importante : la position atteinte au moment où l’arm lock se déclenche est exactement inverse de celle atteinte au même point dans la méthode.
La conséquence est la suivante : alors que dans la méthode l’immobilisation est conclue par une descente tout droit sur la jambe avant, dans le travail réel la hanche qui se trouve à l’arrière est en position de pousser vers l’avant, en rotation, et avec cette fois toute la puissance du corps.
L’immobilisation nikyo est donc en vérité réalisée à l’aide d’une rotation vers l’avant, et non d’une traction vers l’arrière ou d’une descente tout droit avec le buste.
On trouvera confirmation de ce fait dans la fameuse et controversée photo de nikyo par O Sensei dans son livre Budo (photo 23, p 45 de l’édition anglaise). O Sensei s’y trouve curieusement en garde inversée par rapport aux critères de l’Aikido moderne :
L’explication n’est pas qu’il se trompe, ou que le mouvement a « évolué » depuis cette époque lointaine (1938), l’explication est que c’est la seule manière authentique d’exécuter la technique : nikyo s’effectue à partir de la hanche arrière qui pousse parce qu’elle est armée et prête à délivrer sa puissance, et non pas à partir de la hanche avant qui est impuissante.
N.B : une indication intéressante sur la photo d’O Sensei est la position d’uke, on voit bien qu’il n’est pas amené vers les pieds de tori, comme c’est le cas dans la méthode, avec les risques que cela comporte, mais se trouve au contraire en projection de tori, ce qui correspond bien à une poussée à partir de la hanche arrière.
Si la seconde main de tori vient se poser sur le coude d’uke juste avant de glisser vers son poignet, c’est que ce temps est nécessaire pour maintenir le coude d’uke à un niveau bas. On peut également vérifier ce détail, cette fois sur la photo 21 de la p. 45 du livre Budo (O Sensei y contrôle le coude d’uke avant de glisser la saisie vers son poignet).
En effet, si le coude d’uke remonte quand tori pousse vers l’avant, il faut alors appliquer ikkyo, ou toute autre technique compatible avec cette position, ou encore « récupérer » la technique nikyo en inversant la saisie de la seconde main qui doit cette fois passer sous l’avant-bras d’uke (comme cela est démontré sur la vidéo).
Le nikyo classique est en revanche impossible quand le contrôle sur le coude d’uke a été perdu, et qu’il est à cause de cela monté trop haut. Dans le travail réel, contrairement à la méthode, la deuxième main de tori ne saisit pas le poignet immédiatement, elle maintient dans un premier temps le coude d’uke, et ne se verrouille sur son poignet que lorsque le coude ne peut plus monter.
Philippe Voarino, décembre 2016.