Il y a six frappes dans le kumitachi n°5, donc six adversaires.
Ce qui est remarquable dans ce kumitachi, est le fait qu’uketachi exécute deux fois de suite la même série de frappes. En effet, la frappe 4 est la même que la frappe 1, la frappe 5 est la même que la frappe 2, et la frappe 6 (qui n’est pas montrée sur la vidéo, et coupe le dernier adversaire exactement comme le troisième) est la même que la frappe 3.
La seule différence se trouve entre le niveau des frappes 2 et 5 : alors que le yokomen 2 s’effectue au niveau jodan, le yokomen 5 s’effectue au niveau gedan.
Il y a une raison à cela. C’est Jeff Goodwin, le responsable technique d’ITAF Angleterre (BTAF) qui m’a permis de la comprendre lors de la dernière Summer School d’Aikido au mois d’août 2016 à Lutterworth. Jeff a pratiqué l’escrime à un haut niveau et il possède dans sa bibliothèque de rares traités écrits au 16ème et 17ème siècles, en anglais et en français, à une époque où l’escrime n’était pas un sport et où la vie dépendait de la manière dont on maniait l’épée.
Ces traités considèrent que les adversaires sont plusieurs et que l’on doit combattre et se déplacer en tenant compte du cercle des adversaires. Ceci n’est évidemment pas pour me déplaire puisque j’essaie depuis des années de montrer que l’Aikido a la même logique et la même démarche. Mais de manière plus précise encore, il est expliqué dans ces traités que la frappe de taille basse est utilisée dans un contexte où la distance avec l’adversaire devient trop rapprochée, et qu’il n’y a plus ni le temps ni la distance pour une frappe de taille haute.
Cette situation est très exactement celle qui se présente au temps 5 du kumitachi n°5 : les quatre premiers adversaires ont été mis hors d’état de nuire, mais le cinquième, qui surgit dans la fenêtre laissée libre entre l’adversaire n°1 et l’adversaire n°4 (attention la vidéo ne respecte pas cet angle), se trouve trop tôt trop près d’uketachi pour que ce dernier ait le temps de se dégager suffisamment pour couper jodan, et il doit pour cette raison couper gedan sur ce cinquième temps.
Cette profonde identité de logique entre l’escrime occidentale et l’escrime japonaise devrait faire réfléchir tous ceux qui continuent à penser que les kumitachi ne peuvent se pratiquer que sur une ligne.
Philippe Voarino, septembre 2016.