Il y a deux raisons essentielles à ce que la dernière frappe d’uchitachi dans le kumitachi n°5 soit un yokomen.
La première est biomécanique : quand, au départ de l’action, le sabre est positionné sur l’un des côtés du corps, il ne peut terminer son action que sur l’autre côté du corps, en vertu du principe de rotation de l’axe corporel. C’est au fond la définition de yokomen uchi, et c’est le suburi n°5 de l’aiki ken. Que la position de départ soit chudan ou gedan ne change rien à cette loi physique.
Autrement dit, il n’est pas possible de faire shomen uchi de manière naturelle (c’est à dire sans forcer le mouvement avec les bras) si le sabre commence sa course sur l’un des côtés du corps.
La deuxième raison est liée à la nécessité de tenir compte des ouvertures que l’on crée dans sa propre garde à chaque fois que l’on attaque (ne jamais oublier que toute attaque est une ouverture, et donc un risque). Si le sabre d’uketachi se trouve devant lui, uchitachi ne peut attaquer shomen sans se faire immédiatement transpercer la gorge avec tsuki. Dans le dernier mouvement du cinquième kumitachi, shomen uchi serait donc suicidaire.
Les choses sont donc bien faites, puisque l’action antinaturelle sur le plan biomécanique est précisément l’action qui serait dangereuse sur le plan martial: il y a coïncidence entre la nécessité biomécanique et la nécessité martiale. Cette coïncidence est d’autant plus remarquable qu’il ne s’agit pas d’un cas particulier du cinquième kumitachi, c’est la règle de toutes les techniques d’Aikido sans exception. Il s’agit là d’un aspect essentiel du mouvement d’Aikido, qui doit servir de point de départ à toute tentative de compréhension du cœur même de l’art d’O Sensei : la notion de riai.
Philippe Voarino, juillet 2016.