Il est impossible de dissocier le travail des deux hanches : elles se mettent en mouvement simultanément et bougent ensemble. Le mouvement d’une hanche ne peut pas précéder le mouvement de l’autre, l’axe transmet sa puissance de rotation immédiatement et de manière égale aux deux hanches.
Mais on peut dire ceci : la hanche externe est celle qui crée le vide dans lequel pénètre la hanche interne. Il s’agit d’une complémentarité, et la notion de vide est ici fondamentale. Les deux hanches sur la colonne vertébrale fonctionnent comme l’hélice d’un bateau sur son arbre. Si l’on voit des bulles d’eau dans la trainée d’un bateau, c’est que l’eau est portée à ébullition par les pales de l’hélice (ce qui ne veut pas dire qu’on peut y faire cuire les spaghettis). Ce phénomène est connu sous le nom de cavitation : une partie de l’hélice crée une cavité, une dépression telle que l’eau se change en gaz à son niveau. Pendant le même temps, l’autre partie de l’hélice opère une pression sur l’eau qui permet au bateau d’avancer.
Les hanches en Aikido fonctionnent de la même manière : la hanche externe crée une dépression, un vide dans lequel l’adversaire est attiré, dans le même temps la hanche interne entre en pression dans ce vide, complétant le déséquilibre d’uke et provoquant sa chute.
C’est la hanche externe seulement qui est en mesure de créer la dépression, la hanche interne n’est capable d’agir qu’en pression. Voilà pourquoi, même si le travail des deux hanches est simultané, la hanche interne ne peut agir qu’en étant "autorisée" à le faire par la hanche externe.
Pour le dire avec les termes de la métaphysique orientale, l’aspect yang (actif, masculin) du principe dépend de l’action simultanée de son aspect yin (passif, féminin). Le yang n’existerait pas sans la vertu du yin, voilà comment une bonne compréhension du mouvement physique d’Aikido peut mener à une considération plus générale d’ordre métaphysique.
Philippe Voarino, novembre 2018.