Cet article a été initialement publié dans le magazine - Karate Bushido N°231 - de janvier 1996.
Pour Philippe Voarino, élève de Maître Saito, l'enseignement de l'Aïkikai est celui codifié par le Doshu, Kisshomaru Ueshiba, fils du Fondateur. O Sensei Ueshiba, lui, enseignait à Iwama un art comprenant 3 éléments : l'Aïki-ken (sabre), l'Aïki-jo (bâton) et le Tai-Jutsu (technique à mains nues). L'Aïkido enseigné par l'Aïkikai serait donc un Aïkido amputé
Un journaliste italien, dans le numéro d'automne 1990 de la revue Aiko, demandait à Maître Saito quel genre d'homme était O Sensei. La réponse fut merveilleusement japonaise :
Je dirais en un mot que Morihei Ueshiba était tout l'opposé de Kisshomaru. C'était son contraire en quelque sorte. Voyez-vous, Kisshomaru a eu le mérite de développer considérablement l'Aikikai, mais si O Sensei s'en était occupé, l'association aurait fait faillite en trois jours.
Note: l'Aikikai une question de mot
Le terme «Aiki-Kai», qui peut se traduire par «Association d'Aiki», désigne l'organisme créé en 1948 à Tokyo pour diffuser l'art créé par Morihei Ueshiba : l'Aikido. Cette organisme fut placé sous la direction de Kisshomaru Ueshiba, le fils du fondateur. Avec les années, l'Aiki-Kai a développé une forme particulière d'Aikido appelée aujourd'hui «style Aiki-Kai» et définie comme étant la forme «officielle» de l'Aikido. Dans la terminologie la plus répandue parmi les aikidoka, l'expression «O Sensei» désigne Morihei Ueshiba. «Doshu» désigne son fils Kisshomaru et «Waka Sensei» désigne Moriteru Ueshiba, fils de Kisshomaru et petit-fils de Morihei.
Chaque homme trouve sa place dans la sage organisation du monde. Il revenait à O Sensei de créer l'Aïkido. il revenait à son fils Kisshomaru de gérer efficacement la structure nécessaire à la diffusion de l'Aikido au-delà des frontières du Japon.
Tout était bien ainsi. Mais qu'O Sensei se mêlât d'administration, ou que le Doshu s'occupât de technique, il ne pouvait en être question sans que l'ordre naturel des choses fût rompu. Les hommes ont des qualités naturelles différentes qui les destinent à une voie plutôt qu'à une autre. Ce n'est faire injure à personne que de rappeler cette réalité.
En 1932, quand Kisshomaru Ueshiba avait une douzaine d'années et qu'O Sensei s'interrogeait sur l'avenir de son école. il adopta Kiyoshi Nakakura, l'un des plus grands kendokas du Japon, et lui donna le nom de Morihiro Ueshiha. Mori, en japonais, a le sens de protéger, garder. Il est vraisemblable qu'O Sensei voyait en lui le futur dai de l'Aikido. Mais Nakakura déclina cette offre au bout de quelques années, retourna au Kendo qui était sa voie, et devint un maître incontesté de cette discipline. Bien plus tard, dans les années 50, 0 Sensei confia à son fils Kisshomaru la responsabilité de la gestion de l'Aïkikai. Mais dans le même temps, il changea le prénom de maître Saito en Morihiro, lui décerna le 8ème dan, et le désigna gardien à vie de l'enceinte sacrée d'Iwama où est protégé l'Aïkido.
Aïkido primitif et Aïkido évolué
A Kisshomaru Ueshiha, héritier du nom, revenait donc la direction administrative de l'école, et à Morihiro Saito la garde de la technique. Kisshomaru était incontestablement l'homme qui convenait à la tête de l'Aïkikai. Si l'association est aujourd'hui la référence internationale de l'Aïkido, c'est en effet à lui qu'elle le doit. Il s'est acquitté de sa tâche avec talent. Et Maître Tadashi Abe, qui connaissait bien son monde, avait coutume de dire, dans son français lapidaire : «Kisshomaru, bon fonctionnaire!»
Mais pour parvenir au succès, il n'a pu faire autrement que d'imprimer sa propre marque à la technique. Il est entré ainsi dans un domaine qui ne lui était pas destiné. Et depuis quarante ans, bien que l'Aïkikai brandisse comme un étendard l'Aïkido d'O Sensei, il propage en réalité l'Aikido du Doshu. Cette affirmation peut surprendre, mais elle n'est pas gratuite. Elle vient même de recevoir une confirmation tout à fait officielle de Moriteru Ueshiha, petit-fils du Fondateur, et successeur de Kisshomaru à la direction de l'Aïkikai, dans une interview donnée en mars 1995 au magazine Budo. L'actuel Doshu, son père, écrit :
Ce qui était à l'origine (l'Art créé par le fondateur) dur, cassant, a été lissé et arrondi en techniques plus sphériques.
Et Moriteru confirme :
L'enseignement que je transmets est celui codifié par le Doshu dans les années 50. (...) O Sensei travaillait des formes très directes, telles qu'il les avait apprises. Ce travail très direct, peut-être plus cassant, correspondait à l'Aïkido d'une époque et à son évolution personnelle. Au fil du temps, les techniques se sont arrondies, avec le moins de heurts possible.
Le credo de l'Aïkikai est donc désormais affiché, et l'on ne peut pas être accusé de lire entre les lignes : il y avait un Aïkido primitif, heurté, brutal et peu original - l'Aïkido du Fondateur O Sensei - et il y a maintenant un Aïkido évolué, élaboré, aux techniques rondes et bien finies, l'Aïkido de l'Aïkikai, «la forme classique de l'Aïkido» selon Moriteru.
L'Aïkido unique celui du maître
Jamais je n'aurais rendu publiques certaines vérités si Moriteru Ueshiha, Directeur de l'Aïkikai et figure emblématique de l'Aïkido mondial, n'avait officiellement porté un tel jugement sur l'Aïkido du Fondateur, son grand-père.
Il revenait certainement à d'autres, à mes maîtres, de réagir à ces propos. Ils ne le feront pas. Ils ne le peuvent pas en vertu du serment de fidélité qui les lie à la famille Ueshiha, et par conséquent à l'Aikikai. Waka Sensei, c'est à vous que je choisis de m'adresser. Pas à l'individu bien sûr, mais au symbole, au représentant d'une idée de l'Aïkido qui fait aujourd'hui son chemin dans le monde, et qui voudrait que l'Aïkido évolue avec le temps. Je défends précisément l'idée opposée : l'idée qu'il y a un Aïkido et que tout le reste n'est pas de l'Aïkido, tout simplement.
Cet Aïkido unique a été mis au point par un homme exceptionnel, O Sensei, au terme d'une longue vie d'efforts constamment dirigés vers le même but. Cet Aïkido est Un parce que les principes qui le fondent sont les mêmes principes qui oeuvrent dans l'Univers. Or, tout principe est intangible. Ce point doit absolument être clair. Personne, quel que soit son nom ou son statut, ne peut faire en sorte que la somme des angles d'un triangle ne soit pas égale à 180°. De toute éternité, la somme des angles d'un triangle est égale à 180°, et pour l'éternité elle le demeure. C'est cela un principe. 180°, c'est la ligne droite, le chemin le plus direct, et ce n'est pas par hasard qu'en Aïkido, irimi - l'entrée qui doit avoir, selon 0 Sensei, «l'énergie d'un trait de lumière» - repose sur hanmi, la position triangulaire des pieds.
Une discipline fondée sur des principes immuables
L'Aïkido de Morihei Ueshiba est construit sur de tels principes. C'est pour cela qu'il est l'Univers, c'est pour cela qu'il est immuable. Bien sûr, l'Univers est dynamique. Qui songerait à contester que ses formes changent sans cesse ? Mais cette révolution permanente des formes est organisée autour de principes invariables.
Des composants de l'Univers aussi différents qu'un homme, un escargot et une fleur de tournesol, possèdent néanmoins un facteur d'organisation commun : la spirale logarithmique de valeur 0,618 qui règle à la fois la croissance des spires de l'ADN, la formation de la coquille d'escargot, et l'enroulement des graines du tournesol. Il en va de même en Aïkido. Il y a dix mille individus, il y a dix mille shiho nage différents, parce que tous les individus sont différents. Certes, mais chacun de ces dix mille doit respecter la spirale logarithmique dans l'exécution du mouvement. Sans quoi il n'y a pas de shiho nage, sans quoi pas d'Aïkido. Cette constante ne peut pas varier. elle ne peut pas changer, parce que c'est un principe. C'est cela l'Aïkido, et c'est pour cela que l'Aïkido ne peut pas évoluer. Qu'il soit modifié, fut-ce d'un iota, signifierait qu'il n'a jamais été l'expression de principes éternels.
L'Aïkido d'O Sensei est l'Aïkido pour les siècles des siècles, et l'Aïkikai n'y peut rien changer.
Le travail des armes
Vous déclarez :
... le travail des armes a en effet évolué. A l'Aikikai, l'étude des armes est comprise comme une étude de défense à mains nues contre un partenaire armé d'un ken ou d'un jo.
Permettez-moi de rappeler que cette étude porte en Aïkido le nom de tachi dori et jo dori, et qu'elle s'apparente davantage aux techniques à mains nues qu'aux techniques d'armes. Elle ne peut pas en tout cas être confondue avec l'enseignement de l'Aiki-ken et de l'Aiki-jo.
Que l'Aikikai comprenne le travail des armes comme une étude à mains nues contre un ken ou un jo signifie simplement que l'Aïkikai a opéré à cet égard un glissement de sens.
L'Aïkikai a réduit toute la richesse technique et pédagogique du travail des armes aux seuls tachi dori et jo dori. C'est un peu comme si l'on supprimait deux cordes à un violon, et que l'on dise au musicien : «Vous jouerez, aussi bien avec les deux cordes qui restent.» Mais vous allez ensuite au bout de votre pensée en ajoutant :
L'enseignement des armes en tant que tel n'à pas de place, et on peut dire qu'il n'est pas pris en compte, à l'Aikikai, car on peut considérer par exemple que le travail des armes pratiqué à deux n'est plus de l'Aïkido.
Donc on peut considérer par exemple qu'O Sensei Morihei Ueshiba, Fondateur de l'Aïkido, lorsqu'il pratiquait les armes à deux, ne faisait pas de l'Aïkido. Que faisait-il alors s'il vous plaît ? Du Kendo ? Du Jodo ? Non Jeune Maître, il faisait de l'Aïki-ken et de I'Aiki-jo. O Sensei faisait de l'Aïkido qu'il ait ou non une arme dans les mains, et que son adversaire en ait une ou n'en ait pas. Voyez-vous, je dois confesser une erreur que vous me permettez de comprendre aujourd'hui.
Croyances et lacunes de l'Aïkikai
L'Aikikai a toujours refusé de reconnaître comme venant d'O Sensei l'enseignement de l'Aïki-ken et de l'Aïki-jo transmis par maître Saito. Et j'ai cru longtemps que c'était la conséquence d'un simple calcul politique. Puisque personne au Hombu Dojo n'est en mesure d'enseigner l'Aïki-ken et l'Aiki-jo, il est évident qu'une telle reconnaissance aurait mis l'Aïkikai dans une situation embarrassante. Eh bien je m'étais trompé. J'avais prêté à l'Aïkikai un cynisme politique qu'il n'a pas, et je m'en excuse ici. J'ai compris aujourd'hui que l'Aïkikai est parfaitement sincère. Si l'Aïkikai ne reconnaît pas l'enseignement des armes, ce n'est pas en effet par calcul. C'est simplement parce que l'Aïkikai ignore tout de l'Aiki-ken et de l'Aïki-jo, et qu'il n'a par conséquent aucune idée de la fonction du travail des armes à deux en Aïkido.
L'Aïkikai est comme un enfant qui vit dans le désert et qui nie l'existence de l'océan uniquement parce qu'il ne l'a jamais vu. L'Aikikai croit vraiment que deux hommes armés d'un sabre ne peuvent faire que du Kendo et que deux hommes armés d'un jo ne peuvent faire que du Jodo. Voilà pourquoi d'ailleurs, en bonne logique, les enseignants du Hombu Dojo suivent des cours de Kendo et des cours de Jodo quand ils veulent apprendre les armes. Et je n'affirme rien que je ne puisse démontrer. Voici mes arguments.
Les preuves
Durant sa jeunesse, Morihei Ueshiba reçoit principalement instruction et influence de deux personnages importants. Le premier est Masakatsu Nakai, maître de la célèbre école de sabre Yagyu Shingan. Morihei étudie sous sa direction de 1903 à 1908, et reçoit de ses mains en 1908 son tout premier certificat de maîtrise.
De 1915 à 1922, Morihei étudie ensuite sous la direction de Sokaku Takeda les techniques à mains nues de l'école Daito, mais également la lance de l'école Hozoin et le sabre de l'école Shinkagequ'enseigne Takeda et dont il délivre le diplôme de maîtrise à Morihei, à Ayabe. en 1922.
Ceci démontre qu'O Sensei, pendant ses années d'apprentissage, a pratiqué les armes au moins autant que les techniques à mains nues, et c'est un premier point important. De 1919 à 1926, Morihei vit à Ayabe, dans la communauté Omoto-kyo, où il reçoit l'influence spirituelle du Révérend Deguchi, et se libère progressivement du cadre technique rigide des enseignements qu'il a reçus jusqu'alors. Il rompt notamment avec le Daito-Ryu de maître Takeda en abandonnant la garde shikaku (carrée), et en lui préférant, pour les techniques à mains nues, la garde sankaku (hanmi) utilisée dans les techniques d'armes qu'il maîtrise. Ceci est capital. La position triangulaire des pieds, caractéristique de l'Aïkido, et à partir de laquelle tout l'Aïkido est organisé, est directement issue de la pratique des armes.
Aujourd'hui, en éliminant de l'Aikido la pratique des armes, l'Aïkikai parcourt exactement en sens contraire le chemin accompli par O Sensei dans sa progression.
O Sensei à Iwama
De 1927 à 1941, Maître Ueshiba vit à Tokyo. Contrairement à ce que vous avancez, Jeune Maître, l'art qu'il enseigne est déjà profondément original, et n'a plus grand-chose en commun avec «les formes très directes, telles qu'il les avait apprises», auxquelles vous semblez vouloir le limiter. Le film documentaire tourné à Osaka en 1935, dans les locaux du journal Asahi, témoigne avec beaucoup de force de cette originalité. Cet art, toutefois, n'est pas encore parvenu à maturité. Il s'appelle alors Aiki-Budo, et c'est une combinaison des trois piliers de l'Art : Ken Jutsu (sabre), So Jutsu (lance) et Tai Jutsu (techniques à mains nues). Le travail capital de synthèse, d'intégration de ces trois éléments au sein d'un système unifié, n'est pas encore réalisé. Ce travail commence véritablement en 1942 à Iwama.
L'honnêteté intellectuelle impose le respect des faits : de 1942 à sa mort en 1969, 0 Sensei n'a pas vécu à Tokyo comme on le laisse entendre, mais bien loin de là, dans le petit village d'Iwama, préfecture d'Ibaraki. C'est là qu'il avait sa maison, son dojo, et c'est là qu'il fit construire le Temple consacré à l'Aïkido, au pied d'Atago San, la montagne sacrée. Cette vérité n'est-elle pas bonne à dire qu'elle soit à ce point escamotée dans toutes les biographies d'O Sensei ?
La réalité est dure, mais elle est celle-ci : Morihei Ueshiba n'enseigna au «Centre Mondial d'Aïkido» de Tokyo que de manière occasionnelle, lors de quelques séjours chez son fils dans les années 50. Qui plus est, ce lieu lui était désormais étranger. Il y était en visite, O Sensei n'enseigna pas l'Aiki-ken et l'Aiki-jo en dehors d'Iwama. Kisshomaru Doshu et les élèves du Hombu Dojo ne purent qu'entrevoir l'Aïkido d'O Sensei. Tous les Shihan d'aujourd'hui sont en réalité élèves du Doshu, et pas d'O Sensei. Aucun de tous ceux-là n'imagina ce qui se passait à Iwama. Aucun n'y participa.
Et pourtant le message d'O Sensei était clair. Dès 1942, il fit enregistrer auprès du Ministère japonais de l'Education le terme Aikido qui était ainsi utilisé officiellement pour la première fois. Cette même année, il baptisa le cercle de bâtiments qu'il fit construire à Iwama, selon les règles du Kototama et de l'Architecture Sacrée, du nom de Ubuya, ce qui veut dire «Le lieu de naissance».
J'affirme, en m'appuyant sur ces deux actes symboliques majeurs, qu'Iwama fut en 1942 le lieu de naissance de l'Aïkido. O Sensei concevait désormais clairement ce qui était resté imprécis jusqu'alors : le lien qui devait unir entre elles techniques à mains nues et les techniques d'armes de son Art. Encore cette conception n'était-elle qu'une première étape. Il ne suffisait pas que l'Aïkido naisse bien sûr. Comme un enfant qui vient au monde, il fallait encore que l'Aïkido grandisse et atteigne sa maturité.
La triade de l'Aïkido
Voilà, Jeune Maître, quel fut l'immense et méconnu travail d'O Sensei à Iwama entre 1942 et 1969, pendant quatre fois sept ans.
Aiki-ken, Aiki-jo, Tai-justsu
L’harmonieux équilibre dynamique de ces trois éléments qui s’expliquent mutuellement, car ils sont unis par une structure rationnelle commune profonde.
Tous les documents relatifs à cette longue période - tous les films, toutes les photos, tous les témoignages des hommes et des femmes qui vécurent à Iwama auprès d'O Sensei tout ou partie de ces vingt-huit années - attestent l'intense activité de recherche et de création du Fondateur, et tout spécialement dans la pratique de l'Aïki-ken et de l'Aïki-jo. La vérité, Jeune Maître, c'est qu'à Iwama, votre grand-père ne se contentait pas d'«améliorer quelques détails de l'Aïkido». La vérité, c'est qu'à Iwama le Fondateur étudiait sans répit, il cherchait, modifiait, développait, organisait les techniques autour d'un Principe dont vous ne soupçonnez même pas l'existence. En un mot, il créait l'Aïkido, pendant qu'à Tokyo votre père «codifiait» et enseignait prématurément ce qu'il croyait être l'Aïkido, et à quoi il manquait encore l'essentiel.
L'Aïkido, le seul, l'Aïkido Un et unique qui fut mis au point par O Sensei dans les vingt-huit dernières années de sa vie, à Iwama, est une triade : c'est une communion, une interdépendance organique entre les trois parties d'un être unique. Ces trois parties sont l'Aïki-ken, l'Aiki-jo et le Tai-jutsu. L'Aïkido est l'harmonieux équilibre dynamique de ces trois éléments qui s'expliquent mutuellement, car ils sont unis par une structure rationnelle commune profonde. Cette structure est l'originalité de l'Aïkido, et la différence avec une simple addition de disciplines indépendantes.
Un Aïkido amputé
Que penseriez-vous donc d'un géomètre qui supprimerait deux des trois sommets d'un triangle, et continuerait d'appeler triangle la figure restante ? l'Aikikai est ce géomètre s'il pense pouvoir retrancher de l'Aïkido l'Aïki-ken et l'Aiki-jo, et continuer d'appeler Aïkido ce qui reste. Ce qui reste est un résidu sans grande valeur. L'Aïkido qu'enseigne votre père, que vous enseignez, l'Aïkido du Hombu Dojo, l'Aïkido que répand l'Aïkikai dans le monde n'est pas un Aikido moderne, n'est pas un Aïkido évolué, c'est'un Aïkido mutilé, un Aïkido amputé. Ce n'est pas l'Aïkido d'O Sensei, ce n'est tout simplement pas de l'Aïkido. l'Aïkikai a placé l'Aïkido sous le signe du sport. C'est là, j'imagine, ce qu'on appelle tenir compte des exigences de la réalité.
Philippe Voarino, janvier 1996