Il fut un temps, j’avais 20 ans. Je débarquais pour la première fois sur un tatami où l’on enseignait l’Aïkido, c’était il y a bientôt 10 ans. Le premier sentiment est assez bizarre à vrai dire. Certes, en voyant ces belles tenues blanches et Hakama, je me disais que ce qui s’apprend ici doit être intéressant mais je ne comprenais pas trop ce qui se passait.

Pour ce premier cours, je suis tombé sur quelqu’un qui me semblait attaquer franchement vu que son attaque était rapide et puissante. Moi, novice, avec quelques minutes d’exercice, je ne savais quoi faire si ce n’est lui dire : « que dois-je faire ? ». Les premiers mois furent fastidieux et insipides pour tout dire. Puisque, on me disait : « place toi comme ça, lève les bras comme ça, travaille doucement…. ». Mais mon corps non habitué à tout cela me disait : « Mais Ahmed, tous ces mouvements que tu me demandes de faire ne sont pas naturels, tu veux que je réapprenne à bouger ou quoi ? » la seule réponse que je lui donnais était : « accroches toi et on verra bien où cela nous mènera…. »

Avec le temps, 6 mois, 1 an et plus le plaisir de la pratique commençait à se développer, je commençais à sentir les choses autrement. Mon corps s’imprégnait de tous les mouvements que je lui imposé, il apprenait petit à petit à s’harmoniser, à travailler comme une seule entité, il se développe, durci, les muscles gonflent et disons le franchement, on acquière une certaine puissance physique non désagréable.

Un jour le Hakama arrive, je me suis dit : « tiens, je rentre dans la cour des grands ». En réalité j’étais juste devant la porte fermée de la maison Aïkido pour l’instant, c’est tout juste si j’avais le droit de mettre les pieds sur la paillasson. Mais pensant être un Aïkidoka, je commençais à pratiquer de manière routinière avec les mêmes personnes et par défaut se créent des automatismes entre pratiquants qui font qu’on passe parfois à coté de la vérité jusqu’au jour où je suis parti en stage et m’exerçant avec un parfait inconnu qui m’a saisi (katate dori) et là je me suis rendu compte que je n’arrivais pas à faire TAI NO HENKA face à une saisie ferme solide et qui ne connaissait pas mes réactions. C’est vrai, pratiquant l’Aïkido depuis quelques années je m’étais dit : « comment cela se fait il, je ne sais même pas faire TAI NO HENKA, il y a un problème, que se passe t-il » je croyais que mon corps travaillait en un seul bloc et finalement il ne sait pas encore s’unifier. Et voila une remise à zéro et on recommence et ainsi de suite. A chaque fois, on trouvera quelqu’un de plus fort et qui mets le doigt sur quelque chose qu’on ne voyait pas et c’est en acceptant ces échecs chroniques(en réalité victoires) et en se remettant en question qu’on progresse sur la voie de l’Aïkido.

Au delà des contraintes physiques et morales que peut nous imposer la pratique de l’Aïkido, il est évident qu’en le pratiquant, on est à l’école de la vie. Celui-ci nous apprend à être modeste, vu qu’il y a toujours plus fort que soit, à être présent afin de suivre la dynamique du mouvement et de la vie, à trouver sa place dans la société comme sur le tatami sinon le monde vous écrase, à se remettre en question puisque chaque victoire ou échec n’est qu’une étape sur un long chemin.

Finalement, je dirais que la pratique de l’Aïkido dans son authenticité est sans conteste une belle école de la vie.

Ahmed Mahi, juin 2011

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