Cette interview a été publiée dans le magazine Arts Martiaux Traditionnels d'Asie N°43 de janvier 2000.

Les anciens uchi deshi de maître Saito se réunissent au sein d'une organisation internationale "Le Takemusu Aiki Intercontinental", afin de promouvoir une certaine idée de l'aikido.

Art Martiaux magasine: Philippe Voarino, il y a longtemps que vous n'avez pas pris la parole dans nos colonnes. Pouvez vous nous rappeler brièvement votre parcours ?

Philippe Voarino: J'ai commencé la pratique de l'Aikido en 1977, à l'âge de vingt ans. Entre cette date et 1985, mon Maître fut Noboyoshi Tamura qui m'a donné mon premier et mon deuxième dan.

En 1985, j'ai arrêté de suivre l'enseignement de Maître Tamura après avoir rencontré Maître Morihiro Saito. Entre 1986 et 1993, j'ai vécu plusieurs années au Japon dans le dojo d'O Sensei Morihei Ueshiba, à Iwama, Préfecture d'Ibaraki, comme uchi deshi (littéralement élève à domicile, qui vit au dojo pour suivre les enseignements) de Maître Saito. J'ai reçu de Maître Saito mon troisième, mon quatrième, mon cinquième dan, et surtout les cinq Mokurokus traditionnels attestant la connaissance des armes de l'Aikido - Aiki-ken et Aiki-jo - et autorisant à les enseigner. J'enseigne l'Aikido depuis 1986 dans de nombreux pays et j'anime depuis 1996 un centre international d'Aikido à Bruxelles.

D'autre part, je suis membre de la direction collégiale d'une organisation internationale d'Aikido qui s'appelle Takemusu Aiki Intercontinental.

A.M.: Pouvez-vous nous présenter cette organisation ?

P.V.: T.A.I. est née en 1992 de la collaboration étroite entre plusieurs uchi deshi de Maître Saito, de nationalités différentes, et quelques pionniers de l'Aikido européen, élèves des Maîtres Tadashi Abe et Matsuharu Nakazono dès les années 1950.

Maître Nakazano

A.M.: T.A.I n'est donc pas une simple émanation du groupe Iwama.

P.V.: Non effectivement. La réflexion et les choix au sein de l'Association émanent d'une direction collégiale composée bien sûr d'uchi deshi d'Iwama, mais également riche de personnages qui ont une part active dans la naissance et le développement de l'Aikido européen. T.A.I n'est pas une fédération au sens où nous l'entendons habituellement. Elle ne regroupe pas des Fédérations nationales ou des clubs, mais fédère - au niveau international - des individus, des personnes physiques, qui sont libres d'appartenir par ailleurs à leur fédération nationale.

Nous avons souhaité ne pas créer cette association en opposition ou en compétition avec les Fédérations d'Aikido existantes ou à venir. Bien au contraire, T.A.I collabore en permanence avec les Fédérations nationales.

A.M.: Pourquoi avoir choisi le mot Takemusu qui est généralement attaché à l'école de Maître Saito ?

P.V.: Maître Saito enseigne évidemment l'Aikido Takemusu, mais Takemusu ne peut pas être réduit à la marque ou au style d'une école. Takemusu est la production d'une manifestation par l'union du yin et du yang. C'est O Sensei lui-même qui écrit:

Takemusu wa mioya no iki ni aiki shite.
Takemusu est la mise en harmonie du feu et de l'eau de la création.

En Aikido, yang le feu, c'est irimi, et yin, l'eau, c'est tenkan. Grâce à la mise en harmonie d'irimi et de tenkan, l'Aikidoka crée une forme juste, parfaitement conforme au processus de la création universelle. C'est à cette seule condition qu'il peut dire avec O Sensei : "Je suis l'Univers". Takemusu est le principe au coeur de l'Aikido. Et il ne peut pas y avoir d'Aikido sans Takemusu. Cela doit être compris absolument.

A.M.: Avez-vous le sentiment que ce soit aujourd'hui le cas ?

P.V.: Non. Et votre question me conduit à exposer les raisons qui sont à l'origine de la création du T.A.I.

Nous sommes quelqes uns à penser que l'Aikido du Fondateur Morihei Ueshiba est un art qui n'a pas grand chose à voir avec ce qui se pratique aujourd'hui sous le nom d'Aikido dans la très grande majorité des dojos ...

A.M.: Quel nom donneriez vous à la pratique actuelle ?

P.V.: Le Budo sportif. Le Budo sportif a été mis en place par Kisshomaru Ueshiba.
Le fils d'O Sensei estimait en effet que l'art de son père était trop difficile à comprendre pour le commun des mortels. Il a donc délibérément modifié l'Aikido du Fondateur en changeant les formes techniques, et en n'hésitant pas à supprimer des pans entiers de l'Aikido que sont l'Aiki-ken et l'Aiki-jo.

Quand j'expliquais ceci il y a quelques années, on m'accusait de lancer des polémiques. Aujourd'hui, ce n'est pas moi qui le dis, c'est écrit en toutes lettres dans le Journal Officiel du Hombu Dojo, Aikido Shimbun, numéro du 20 janvier 1999, sous la plume du Directeur de l'Aikikai, Moriteru Ueshiba (petit fils du Fondateur).

Pour comprendre l'enchaînement des évènements qui ont aboutis à la substitution du Budo sportif à l'Aikido, il faut savoir que Kisshomaru Ueshiba fut à l'Akikai le directeur tout puissant de la technique entre 1948 et 1999. Il fut donc le professeur de référence de toute la génération qui découvrit l'Aikido après-guerre à l'Akikai de Tokyo. Quand ses élèves commençèrent à s'expatrier dans les années 1960-1970, c'est naturellement l'Aikido modifié de leur Maître qu'ils enseignèrent - en toute bonne foi - partout dans le monde. Le résultat de la politique de simplification engagée par Kisshomaru il y a un demi siècle, c'est en fait l'appauvrissement de l'Aikido d'O Sensei et sa transformation en Budo sportif. Je ne suis pas d'ailleurs l'auteur de cette expression dont la paternité reviens à Maître Arikawa. Qu'il soit remercié d'avoir su mettre un nom sur ce qu'il n'est pas possible d'appeler Aikido.

Le Budo sportif c'est en quelque l'Aikido sans le Takemusu. L'Aikido ne saurait être confondu avec un sport. Et la création du T.A.I est une réaction à ce processus de transformation de l'Art de Morihei Ueshiba. L'objet de l'Association est de préserver dans toute la mesure du possible l'intégrité du patrimoine authentique transmis par le Fondateur de l'Aikido.

A.M.: Vous n'êtes donc pas d'accord avec le discours qui soutient que l'Aikido doit évoluer pour s'adapter à l'époque moderne.

P.V.: Je connais bien ce discours, il m'amuse à chaque fois. L'évolution est à la mode depuis Charles Darwin. Je rappellerai seulement que le naturaliste a montré la transformation des espèces à travers les âges, mais qu'il n'a jamais envisagé l'évolution du principe vital qui sous-entend cette évolution et la rend possible. Car c'est précisément de la stabilité parfaite de ce principe que dépend la variété indéfinie de toutes les transformations. Pour quiconque comprend véritablement ce que signifie Aiki, parler de l'évolution de l'Aikido n'a pas de sens. C'est comme dire que le centre du cercle doit évoluer pour être à la mode. Le centre du cercle est au centre du cercle , sans quoi il n'y a pas de cercle. Aiki est un principe ce n'est pas une mode. Un mouvement est juste s'il respecte le principe du mouvement universel, il est faux autrement.

Remonter à l'origine de théorie évolutioniste de l'Aikido n'est pas bien difficile. Kisshomaru et Moriteru Ueshiba ont déclaré et même écrit il y a quelques années que l'Aikido du Fondateur était encore rudimentaire et que l'Aikikai l'avait amélioré en le faisant évoluer.

Cette position n'est bien-sûr qu'une tentative de justification a posteriori de la politique de transformation de l'Aikido engagée du vivant même d'O sensei et contre sa volonté. Qu'aujourd'hui tous les professeurs formés à l'Aikikai alignent leur pensée sur cette position n'a rien de surprenant.

A.M.: Nous croyons savoir que Maître Saito a eu dans le passé quelques divergences de vues avec l'Aikikai. Est-ce lui qui a inspiré la création de T.A.I ?

P.V.: Maître Saito a respecté la parole donnée à O Sensei. Il a fidèlement soutenu Kisshomaru Ueshiba et l'Aikikai. Il n'a jamais souhaité une organisation des uchi deshi.

A.M.: Pourtant il est invité régulièrement en Europe et aux Etats-Unis.

P.V.: C'est exact mais ces invitations sont toujours lancées par un dojo ou par un élève. C'est ainsi à titre individuel que je fus responsable en 1989 de la tournée en France de Maître Saito. Vous devez vous en souvenir puisque c'est votre magazine qui avit couvert l'information.

A.M.: Une telle organisation doit être lourde pour un individu ou même pour un dojo. Pour quelle raison Maître Saito n'a-t-il pas souhaité une union des uchi deshi ?

P.V.: Je crois que la raison principale tient à la différence de culture. Le concept d'une structure organisée d'individus responsables oeuvrant avec liberté d'initiative dans un but commun est tout à fait étranger à l'esprit japonais. Permettez moi de prendre deux exemples qui aideront à mieux comprendrece que je veux dire.

Quand Nobuyoshi Tamura débarqua dans le port de Marseille avec son épouse en 1963, il était en voyage de noces. Moins de personnes savent qu'il était également chargé par l'Aikikai d'une mission officieuse : étudier dans le détail le mode de fonctionnement des organisations sportives européennes, et en faire le rapport aux instances dirigeantes de l'Aikikai qui ne parvenaient pas à comprendre ce qu'était exactement une fédération.

L'aventure éphémère de la Fédération Internationale d'Aikido est un autre exemple du peu d'affinités de l'esprit japonais avec les structures associatives. La F.I.A fut créée à Madrid en 1975 par quelques dirigeants européens soucieux de doter l'Aikido d'une structure internationale qui lui permettrait de se développer dans les meilleures conditions à l'échelle planétaire. En 1980 à Paris eut lieu le troisième congrès de la F.I.A. Ce fut un évènement important. Avec 40 pays membres et plus de 100 000 pratiquants, la Fédération Internationale était désormais une organisation puissante dont la dynamique était étrangère à l'Aikikai. Kisshomaru eut l'intelligence politique de comprendre que le contrôle de l'Aikido mondial risquait d'échapper au Japon. Il décida alors de recentrer l'internationalisation de l'Aikido sur l'Aikikai en sacrifiant pour cela la Fédération Internationale. L'année suivante, le siège de la F.I.A fut installé définitivement au Japon, le compte bancaire de la F.A.I ne fit plus qu'un avec celui de l'Aikikai, et il fut décidé que tous les congrés "internationaux" se tiendraient désormais au Japon. La F.I.A existe toujours officiellement, mais elle a été vidée de toute sa substance.

Je ne donne évidemment ces exemples que pour montrer comment la culture japonaise s'organise de préférence autour d'un pouvoir centralisé où seul le chef de clan est habilité à prendre les décisions qui engagent d'une manière significative l'avenir de la communauté.

Et bien, c'est de la même manière pour des raisons qui tiennent à cet aspect culturel de la conscience - et toutes choses égales par ailleurs - que Maître Saito n'a pas souhaité s'engager dans la voie d'une organisation internationale des uchi deshi.

Le dojo d'Iwama

A.M.: Si je comprend bien, T.A.I a été créée contre l'avis de Maître Saito?

P.V.: On ne peut pas dire cela non plus. Maître Saito fut consulté bien avant la création de T.A.I et sa position fut : "Je ne participe pas". Mais il souhaita avec chaleur le succès de notre entreprise. Et c'est bien compréhensible. La vie entière de Morihiro Saito a été commandée par le souci unique de transmettre fidèlement à la postérité, sans le modifier en rien, l'héritage qu'il a reçu d'O Sensei dans des conditions privilégiées. Qu'une association défendant le même idéal que celui auquel il a consacré sa vie, foncée entre autre par plusieurs de ses élèves, travaille et jouisse dans le monde d'une certaine influence , ne peut éveiller chez lui qu'un sentiment de joie et de fierté. La mission des uchi deshi d'Iwama est aujourd'hui de participer à la construction d'un Aikido européen fort et indépendant en s'appuyant sur l'enseignement qu'ils ont reçu. C'est le plus bel hommage qu'ils puissent rendre à Maître Saito.

A.M.: Il n'y a que peu de Français qui puissent revendiquer la qualité d'uchi deshi de Maître Saito avec authenticité. Quels sont vos rapports avec eux ?

P.V.: Une seule personne en France en plus de moi-même a vécu à Iwama assez longtemps pour revendiquer sérieusement la qualité d'uchi deshi. Il s'agit de Patricia Guerri qui enseigne aujourd'hui à Paris. Nous nous sommes rencontré la première fois à Iwama en 1986. Nos rapports sont excellents. C'est une amie qui a apporté plus d'une fois son concours aux activités de T.A.I.

A.M.: Daniel Toutain est également proche de Maître Saito n'est-ce-pas ?

P.V.: Oui, il enseigne en Bretagne, et il a organisé la venue de Maître Saito à Rennes. C'est un élève de Masamichi Noro, qui a découvert récemment l'enseignement d'Iwama par mon intermédiaire. A sa demande, j'avais présenté l'enseignement de Maître Saito sous la forme d'un séminaire à Dinard en novembre 1993. Il fut intéressé et souhaita que je l'introduise auprès de Maître Saito. Depuis il a fait quelques séjours à Iwama.

A.M.: Pouvez-vous nous parler plus concrètement des activités de l'organisation à laquelle vous appartenez ?

P.V.: T.A.I organise des séminaires internationaux, des séminaires de formation pour enseignants, des sessions d'examens internationaux et délivre des grades ainsi que des diplômes d'enseignement ayant un caractère internationaux.

A.M.: C'est dire que vous fonctionnez au même niveau et avec les mêmes prérogatives que la Fédération Internationale d'Aikido ou la Fédération Européenne d'Aikido.

P.V.: Je crois à vrai dire que les prérogatives de T.A.I sont bien supérieures à celle de la F.I.A et de la F.E.A. Prenez l'exemple des grades. Les candidats qui présentent un examen sous l'égide de la F.I.A ou de la F.E.A reçoivent leur diplôme de l'Aikikai. Ne trouvez-vous pas qu'il y a de quoi être étonné quand on considère qu'il s'agit d'associations internationales souveraines ?

Ces deux fédérations sont en réalité sous tutelle. Une société commerciale japonaise - c'est le statut officiel de l'Aikikai - encaisse en leurs lieu et place l'argent des diplômes délivrés dans le monde entier. T.A.I est au contraire une association libre de toute tutelle.

Prenez un autre exemple : la formation continue des enseignants. Dans les années 1960, le développement de l'Aikido passait inévitablement par le stage car les professeurs n'étaient qu'une poignée, et leur niveau technique était encore faible. L'Aikido ne pouvait s'apprendre autrement qu'à la source., c'est à dire auprès du Maître japonais du moment. Et l'on traversait joyeusement la France pour un stage d'une journée. Aujourd'hui, la situation a bien changée, il y a en Europe des milliers de professeurs de qualité. Que fait-on pour leur formation continue ? Les fédérations continuent imperturbablement à organiser des grand-messes de pratiquants dans lesquelles plus d'un a déjà perdu la foi. Rien de sérieux n'est fait pour les enseignants alors que ce sont eux qui forment les pratiquants et qui portent la responsabilité de l'Aikido de demain. Les responsables de T.A.I ont pris conscience de l'importance de la formation continue des professeurs, et c'est un des objectifs de l'organisation. Pour rendre compte du niveau et d la progression des enseignants, T.A.I utilise le système traditionnel à trois niveau : Kirikami, Mokuroku et Menkyo-Kaiden, délivrant ainsi de véritables diplômes internationaux d'enseignement

A.M.: Vous avez fait allusion tout à l'heure à l'Aiki-ken et à l'Aiki-jo. Certains professeurs soutiennent que l'Aikido est uniquement un art à mains nues, et qu'à partir de moment où l'on prend un ken et un jo, on ne fait plus de l'Aikido.

P.V.: Il faut être sérieux. J'ai envie de dire à ces personnes : "Regardez les photos et les films d'O Sensei, il apparaît une fois sur deux avec une arme".

La vérité est toute simple. Si l'Aikido est très généralement connu comme un art à mains nues où le ken et le jo n'ont qu'un rôle de figuration, c'est qu'il a été enseigné partout de cette manière par des Maîtres japonais qui n'ont pas eu l'occasion d'apprendre l'Aiki-ken et l'Aiki-jo sous la direction d'O Sensei. Et quand je dis partour, je pense en premier lieu - aussi incroyable que cela puisse paraître - au Hombu Dojo. Ces Maîtres n'ont pas grand intérêt à ce qu'une telle lacune soit reconnue. C'est du moins ce que j'ai pensé longtemps pour m'expliquer leur comportement. Je préfère aujourd'hui penser qu'ils sont sincères, et que c'est leur ignorance dans ce domaine qui les empêche d'accéder à la compréhension du riai. Tout l'enseignement des professeur de T.A.I est au contraire centré sur la notion de riai.

A.M.: Pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez exactement par là ?

P.V.: On entend souvent parler de l'aspect spirituel ou philosophique de l'Aikido. J'ai cherché longtemps, je n'ai trouvé nulle part d'explication qui dépasse dans ce domaine le plan du discursif. La raison en est simple, c'est que la clef qui ouvre en Aikido la porte de la spiritualité doit être recherché dans l'opératif. Mais il ne suffit pas de répéter comme une routine pendant trentre ou quarante ans des mouvements baptisés un peu légèrement du nom d'Aikido.

Il faut comprendre que je m'appuie ici sur le sens étymologique du mot : cum prehendere, prendre ensemble ce qui est multiple et dispersé. Les possibilités de la forme technique en Aikido sont infinies comme le sont les formes de l'Univers. Mais dans ce dédale, il existe un chemin. Ce chemin, c'est le pont, c'est le lien qui unit entre elles les formes à mains nues bien sûr, mais ces formes à mains nues aux formes avec ken et avec jo, c'est essentiel. Et c'est pourquoi il est tellement important de ne pas modifier les formes techniques. Elles sont porteuses d'un message. Et toute altération de la forme authentique rend ce message incompréhensible.

C'est cela riai, c'est d'ailleurs le sens très exact de l'idéogramme : les joyaux dispersés doivent être rassemblés. Du tout reconstitué jaillit alors la lumière. Nous parlons ici d'initiation. Et cette tradition n'est pas spéciale au pays de l'Extrême Orient. Les mythes de l'Egypte ancienne ne disaient pas autre chose. Osiris est assassiné et les parties de son corps démembré sont dispersées dans tous le pays. Isis cherche, trouve et rassemble les différentes parties de son époux et - par l'unité rétablie - Osiris ressucite, triomphant ainsi de la mort. Mille livres sur l'Unité, aussi brillants soient-ils, ne feront pas avancer d'un pas dans le chemin de l'Unité. L'Aikido est une méthode de travail concrète et efficace pour qui veut avancer dans cette voie. C'est un merceilleux outil. N'en faisont pas une aimable distraction.

A.M.: Quelles sont les manifestations récentes de T.A.I ?

P.V.: T.A.I organise chaque année dans un pays différent un grand séminaire international d'été. Il s'est tenu cette année au mois d'août à Brastislava, à l'invitation de la Fédération Slovaque d'Aikido dirigée par Monsieur Stefan Kurilla. Cette manifestation a rassemblé 150 participants venus de seize nations différentes. La direction technique du séminaire était collégialement assurée par trois professeurs 6ème dan et deux professeurs 5ème dan, tous les membres de la commission technique de T.A.I.

A.M.: Ne venez-vous oas d'expliquer que la quantité des pratiquants et la qualité du travail sont deux choses incompatibles ?

P.V.: C'est vrai. Les grands stages doivent être considérés comme une fête. Et la fête est utile sur beaucoup de plans. Mais ce n'est pas à cette occasion que peut être effectué le travail de formation. Un travail véritablement constructif ne peut être réalisé qu'en atelier réduit. C'est pourquoi le grand stage ne doit pas constituer un moyen pédagogique privilégié.

A la fin du mois d'août, un stage T.A.I s'est tenu à Beyrouth à l'invitation de la Fédération Libanaise d'Aikido dirigée par Monsieur Salim Kai. Ce stage fut complété immédiatement dans les jours qui suivent par un atelier de travail.

A.M.: La Slovaquie et le Liban, voilà deux pays à propos desquels on ne parle pas souvent d'Aikido.

P.V.:C'est bien dommage. Ils méritent qu'on parle d'eux. On pourrait même les citer en exemple. L'Aikido slovaque a pris son essor avec l'ouverture des Pays de l'Est, l'Aikido libanais depuis la fin de la guerre qui a meurtri le pays depuis plus de vingt ans. Ces deus pays ont donc un point commun : leur enthousiasme et la sincérité de leur engagement dans la voie de l'Aiki ont triomphé jusqu'ici des obstacles qui ont barré leur chemin.

Mais la séduction est le danger qui les guette désormais. La puissance de séduction du Budo Sportif esr grande. Elle est d'autant plus grande qu'elle vient du Japon même. T.A.I peut épargner aux pays qui découvrent aujourd'hui l'Aikido de gaspiller leur temps et leur énergie bien loin de la voie tracée par O Sensei.

A.M.: Concluons si vous le voulez bien sur une note personnelle, Philippe Voarino. Quelles sont actuellement vos relations avec Maître Saito ?

P.V.: Elles sont excellentes. Nous nous écrivons régulièrement. J'envoie mes élèves qui le désirent à Iwama où ils sont toujours les bienvenus.

J'éprouve un grand sentiment de respect et de gratitude envers Maître Saito quand je considère le choix qu'il fit - contre le courant dominant de toute une époque - de transmettre l'Aikido, le seul, celui d'O Sensei Morihei Ueshiba.