Ce n’est pas le premier dossier que je consacre à tai no henka, mais il faut toujours revenir sur cet exercice, parce qu’il est fondateur. Tai no henka est la manifestation la plus élémentaire du principe irimi-tenkan, c’est pourquoi chaque cours doit débuter par tai no henka. Il n’existe pas de mouvement d’Aikido dont le cœur ne soit tai no henka.

C’est dire combien la compréhension de tai no henka est déterminante pour la pratique de l’Aikido. Tai sabaki par exemple ne doit pas être confondu avec tai no henka, en ce sens qu’un tai sabaki bien fait n’est que la conséquence d’un tai no henka bien fait : c’est grâce à tai no henka qu’on remet de l’ordre (sabaku) dans une situation dangereuse. Tai sabaki est le résultat de tai no henka.

Tai no henka signifie variation du corps, modification de la position du corps si l’on veut. C’est une première indication importante, le corps doit bouger. Mais il n’est rien dit, dans l’expression tai no henka, sur la manière qu’il doit utiliser pour bouger.

C’est donc irimi-tenkan qui va nous informer sur cette manière. Irimi-tenkan est souvent traduit par entrer et tourner. C’est une incompréhension, on ne peut pas tourner après être entré. C’est l’entrée elle-même qui est "tournante", parce que le mouvement d’Aikido est une rotation du corps. Et dans la rotation du corps autour de son axe vertébral, ce sont bien les deux hanches qui pivotent, et en même temps.

Comme les deux hanches sont mobilisées en complémentarité, elles sont toujours en rotation dans un mouvement contraire l’une par rapport à l’autre : quand l’une tourne en avançant, l’autre tourne en reculant, nécessairement. C’est ce mouvement typique complémentaire qu’on appelle irimi-tenkan.

Quand la rotation s’engage, une hanche ne peut pas précéder l’autre, leurs mouvements complémentaires sont parfaitement synchrones. La question qui se pose alors c’est : où faut-il placer l’esprit (ou le sentiment) à l’origine de la rotation ?

Cela ne peut pas être sur la hanche irimi car on se bloque alors vers l’avant en empêchant de la sorte la rotation simultanée de la hanche tenkan vers l’arrière. Mais je ressens aujourd’hui que cela ne peut pas non plus être sur la hanche tenkan, ce qui a pour effet de contrarier la rotation vers l’avant de la hanche irimi. Je crois en vérité que le sentiment doit être placé au centre de la colonne vertébrale, et que ce centre doit être visualisé comme se mettant en rotation sur lui-même à la manière d’une toupie. C’est seulement de cette manière, je pense, que les deux hanches peuvent se trouver à égalité dans le mouvement, et accomplir ainsi la rotation irimi-tenkan. Autrement dit, et cela mène assez loin si l’on veut bien y réfléchir, l’origine du mouvement n’est pas musculaire, elle est d’une autre nature.

Philippe Voarino, avril 2019.