RAPPEL

La méthode d’apprentissage de l’Aikido créée par maître Saito témoigne d’une intelligence hors du commun des mécanismes d’acquisition de techniques corporelles, elle est d’une efficacité remarquable pour apprendre rapidement et avec précision les éléments qui constituent les mouvements d’Aikido.
Il est de toute première importance que cette méthode soit utilisée, transmise et préservée.


L’étude qui va suivre pourrait laisser penser que j’adopte une attitude critique vis à vis de cette méthode et que je prends une certaine distance à son égard : un tel sentiment ne serait pas le reflet de la réalité, je ne répèterai jamais assez que cette méthode est le meilleur outil dont nous disposions à ce jour pour guider un débutant sur le chemin de l’Aikido. Ceci est dit haut et clair, doit absolument être entendu, et ne jamais être oublié.
Il vaudrait mieux, dans le cas contraire, ne pas lire le dossier suivant.

On constate que la direction dans laquelle est exécutée la technique sankyo omote est identique à la direction d’ikkyo omote et nikyo omote, telle que cette direction est analysée dans MS #2 : direction avant droit de tori.

Comparons maintenant la photo n°4 de cette série sankyo avec la photo montrée comme une erreur par maître Saito sur ikkyo, ainsi qu’avec la photo correspondante de nikyo :

On s’aperçoit, comme pour nikyo, qu’uke est loin de tori, il est en appui sur sa jambe gauche et n’est donc pas vraiment déséquilibré, son bras est projeté vers l’avant alors que pour un contrôle correct il devrait se trouver devant le ventre de tori.

Nous avons vu, dans MS #2, que la différence entre ikkyo et nikyo est la mise en rotation du poignet, qui n’existe pas dans ikkyo, et qui provoque dans nikyo une vrille du bras d’uke. Si l’on compare les grossissements de nikyo et sankyo, on voit à l’évidence que la saisie sankyo augmente d’un cran la rotation du poignet d’uke par rapport à nikyo, et donc de son coude : sankyo est donc une vrille plus accentuée encore que nikyo sur le bras d’uke :

Si la technique sankyo est exécutée dans le même angle qu’ikkyo, le coude droit d’uke est donc projeté plus loin encore de tori qu’avec nikyo. Les photos montrent bien cela, et chacun peut le vérifier en pratiquant.

Dans ce cas, la perte de contrôle d’uke sur sankyo est donc de même nature mais plus exagérée encore que sur nikyo. La seule manière de l’éviter est, comme pour nikyo, d’augmenter la rotation de l’axe du corps. Cette rotation a les mêmes effets que dans nikyo :

  1. le bras d’uke n’est pas projeté vers l’avant, il vient se placer naturellement en arc de cercle devant le ventre de tori,
  2. uke est correctement déséquilibré vers la droite, dans son déséquilibre latéral avant, et privé d’appui sur sa jambe gauche,
  3. tori efface en même temps son dos d’une attaque potentielle venue de l’arrière, il contrôle la direction arrière, il travaille de manière multidirectionnelle :

Le mouvement est conforme au principe de spirale, il est réalisé par l’effet de toupie : tori ne se déplace pas, il pivote sur place, il est au centre du mouvement.

La rotation ouvre l’angle des pieds d’une soixantaine de degrés supplémentaires vers la droite, comme pour nikyo, mais désormais par rapport à l’angle de nikyo (cf. Kajo #12) :

Dans la spirale d’immobilisation commencée avec ikkyo, sankyo suit immédiatement nikyo, c’est le pas suivant de l’hélice, c’est la continuité de l’effet de vrille sur le bras, conséquence de l’aggravation de la rotation du poignet et du coude, qui oblige le bras d’uke à plonger vers le sol, coude plus bas que poignet. Comme dans nikyo, mais avec un levier plus important encore sur le poignet, ce bras est amené perpendiculaire au sol à la fin de sankyo. C’est pour cette raison que l’immobilisation de sankyo se fait, elle aussi, avec le bras d’uke vertical contre la poitrine de tori, alors que l’immobilisation d’ikkyo conserve le bras d’uke horizontal au sol :

Cette différence caractéristique entre l’immobilisation finale de sankyo et celle d’ikkyo doit être vue comme la conséquence de la rotation plus importante de l’axe du corps et de l’effet de vrille ainsi produit, et c’est bien la confirmation de leur nécessité ici, comme pour nikyo (cf. MS #2).
L’immobilisation bras perpendiculaire au sol est la démonstration qu’il existe dans nikyo et sankyo une dimension – l’effet de vrille – qui n’existe pas dans ikkyo, et qui interdit de réaliser la technique dans la ligne d’ikkyo.

Si l’on exécute malgré tout sankyo omote dans la même ligne qu’ikkyo omote, comme le fait maître Saito, il est donc inévitable que le bras d’uke parte vers l’avant. Ce problème n’est pas du tout lié à une mauvaise exécution, il est lié au choix de la direction de travail.

A cause de cette projection – loin vers l’avant – du coude et du bras d’uke, tori doit ensuite nécessairement faire un pas avec la jambe arrière pour rattraper et « combler » le vide ainsi créé entre son corps et ce bras. Il prend ce pas afin de retrouver une position correcte de contrôle, bras d’uke devant le ventre, comme le montrent bien les photos :

Or, cette position de contrôle indispensable – bras d’uke devant le ventre – est acquise de manière infiniment plus directe et plus logique si l’on utilise la spirale plutôt que la ligne droite : uke est déséquilibré et contrôlé de manière continue du début à la fin du mouvement.

Le travail linéaire, qui oblige tori à faire un pas vers uke, est pourtant la manière de faire sankyo omote qui était enseignée à Iwama, celle qui est dans les livres, c’est l’enseignement que j’ai reçu directement de maître Saito. C’est une conséquence directe et absolument inévitable d’une entrée du mouvement sankyo omote dans la même direction que le mouvement ikkyo omote.

J’ai transmis cet enseignement dans le passé, et je continue à le faire aujourd’hui jusqu’au niveau du 3ème dan. C’est une méthode de travail qui a fait ses preuves. C’est une simplification, mais c’est la simplification d’une réalité trop complexe pour être perçue et mise en œuvre d’emblée par un débutant, qui a besoin d’une approche beaucoup plus progressive.

Certains commencent peut-être à comprendre vers quel horizon nous nous dirigeons, mais il est nécessaire d’avancer encore dans nos réflexions techniques pour rendre acceptables les révélations qui vont être faites par la suite.

Philippe Voarino, mai 2013.