2ème PARTIE : trois origines, huit forces

Sangen, trois origines

Dans le kajo #20, nous avons indiqué qu’il n’avait pas été tenu compte avec suffisamment d’attention, depuis le début de cette étude, de la notion de maai.
Nous savons désormais que la relation établie entre Ichi rei et Shikon détermine véritablement l’emplacement vrai de la technique, non seulement sur la figure, mais aussi et surtout dans la réalité.
Dit autrement, le maai de la technique réelle doit respecter la proportion déterminée sur la figure par l’intersection de la spirale avec les quatre diamètres de la sphère.

Comprendre pourquoi irimi nage et ikkyo s’exécutent au même endroit, mais dans deux sens de rotation opposés de la spirale, demande de comprendre qu’il ne s’agit pas, comme on le croit généralement, de deux techniques différentes, mais de la même technique effectuée une fois dans le déséquilibre arrière d’uke et une fois dans son déséquilibre avant, c'est-à-dire une fois dans l’espace d’ura (irimi nage), une fois dans l’espace d’omote (ikkyo)( cf kajo #19), comme on peut le voir sur les photos suivantes :

Nous savons également, depuis le kajo #5, qu’ikkyo omote et shiho nage omote sont aussi ura et omote l’un de l’autre, et les deux aspects de la même technique (une fois dans la rotation ue kara shita made, une fois dans la rotation shita kara ue made) :

Mais si ikkyo = irimi nage et si ikkyo = shiho nage, nous pouvons alors écrire l’égalité suivante :

ikkyo = irimi nage = shiho nage.

Dans cette égalité, la relation ikkyo-irimi nage matérialise l’axe horizontal (droite-gauche) et la relation ikkyo-shiho nage matérialise l’axe vertical (shita-ue) :

Ceci est la croix de l’aiki et peut être figuré également de la manière suivante :

Ikkyo étant le point d’origine,
shiho nage est le travail de Takamimusubi qui forme à partir de ce point une spirale ascendante à droite, irimi nage est le travail de Kamimusubi qui forme à partir de ce point une spirale descendante à gauche.

Rappelons ce que dit O Sensei de l’énergie d’Ame-no-minakanushi, de l’origine unique :

C’est l’interaction des divinités Takamimusubi et Kamimusubi lorsqu’elles dansent, formant une spirale ascendante à droite et une spirale descendante à gauche.
— Takemusu Aiki, Volume II, 1ercycle de discours, Editions du Cénacle de France

Ikkyo, shiho nage, irimi nage sont donc les trois origines de la technique, Sangen. Elles sont à la fois trois et à la fois une. Elles sont la source, c’est d’elles que naissent les techniques divines de l’aiki, et c’est pourquoi ce sont les trois seules que l’on trouve à l’origine de la spirale bleue sur notre figure.
Est-il vraiment étonnant de découvrir qu’elles forment ensemble la croix ânkh, la croix de la génération et de la vie de l’ancienne Egypte ? Si les traditions du monde parlaient une langue différente, elles ne seraient plus la tradition.

Hachiriki, huit forces

Nous savons, depuis le kajo #3, que les trois diamètres horizontaux de la sphère déterminent six directions sur le plan horizontal, c’est ce qu’O Sensei appelait roppo, et nous savons depuis le kajo #17 que le diamètre vertical détermine deux directions dans le plan vertical.

Les six directions horizontales et les deux directions verticales forment donc les huit directions (happo).
En Aikido, chacune de ces directions est le lieu d’une technique, à l’intersection de cette direction avec ichi rei, la spirale divine. Ces huit forces donnent ainsi naissance à huit techniques fondamentales qui forment ensemble hachiriki, les huit puissances de l’Aikido.
Nous avons analysé en détail ces huit techniques fondamentales au fil des kajos passés, et nous venons d’expliquer ci-dessus comment trois d’entre elles (ikkyo, irimi nage et shiho nage) occupent une place particulière.

Cette connaissance nous l’avons acquise grâce aux explications d’O Sensei lui-même, mais nous l’avons reconstituée comme on assemble un puzzle, nous ne l’avons pas trouvée d’un seul morceau si l’on peut dire.
Il serait évidemment bien agréable de découvrir, dans l’enseignement du Fondateur, une confirmation globale des résultats auxquels nous sommes parvenus.
Cet enseignement existe, mais il est crypté, et je le dévoile aujourd’hui.

Il se trouve dans le livre Budo, d’O Sensei, et plus particulièrement dans le plan de construction de ce livre :

1 – Explication du principe d’action : hanmi → irimi → tai no henka → irimi-tenkan

2 – Présentation des huit techniques fondamentales selon leurs axes de symétrie (pages 11 à 22 de l’édition originale):

A – ikkyo – irimi nage ..... Ippo
B – kote gaeshi – nikyo ..... Nipo
C – sankyo ..... Sanpo
D – irimi nage – shiho nage – gokyo ..... Ippo
E – yonkyo – shiho nage – tenchi nage ..... Yonpo

Il y a bien huit techniques: ikkyo, irimi nage, kote gaeshi, nikyo, sankyo, shiho nage, yonkyo, tenchi nage.

Gokyo en effet ne doit pas être compté en tant que technique indépendante, nous avons expliqué (kajo #13) comment ikkyo et gokyo sont véritablement la même technique, et que c’est la raison pour laquelle le Fondateur désignait les deux du même nom (ippo).

Maintenant, nous ne pouvons pas ne pas remarquer ceci : dans le plan adopté par O Sensei, chaque technique est démontrée une seule fois, à l’exception de trois techniques qui sont, elles, démontrées deux fois : il s’agit d’ikkyo (avec gokyo), irimi nage et shiho nage, c’est à dire … les trois origines, sangen.

Il n’y a là aucun hasard, et c’est la confirmation qui nous manquait.
O Sensei a volontairement laissé dans le plan de son livre le message suivant : il y a huit forces ordonnées deux à deux selon quatre axes, je vous les présente dans cet ordre et sous cette forme dans mon livre afin que vous les reconnaissiez comme telles ; parmi ces huit forces, trois sont à l’origine et je les mets en évidence en répétant ces trois là deux fois chacune, et ces trois là seulement, pour vous faire comprendre qu’elles sont l’origine unique.

Je voudrais terminer ce kajo #22 en revenant sur ce que j’ai déjà dit dans le kajo #21.
Le rôle de l’âme corporelle, tel qu’il est exprimé dans les discours du Fondateur, rend impossible qu’ichi rei shikon sangen hachiriki ne soit pas explicable par des éléments concrets en rapport avec le travail du corps en Aikido. Et nous avons montré, autant qu’il est possible avec des mots, le rapport qui existe entre cette phrase d’O Sensei et le travail du corps.
Le travail de l’esprit ne peut s’accomplir dans ce monde que par le travail du corps, et le corps pour cela doit danser la danse sacrée de l’Aikido (furumai), guidé dans ses mouvements par le plan divin d’ichirei shikon sangen hachiriki.

Philippe Voarino, juillet 2012.