Ce dossier se comprendra mieux après lecture du dossier #112 dont il est le prolongement.

Il est absolument indispensable que la position hanmi soit neutre.
Neutre, cela veut dire que le mouvement doit être possible immédiatement dans n’importe laquelle des huit directions possibles à partir de hanmi. Immédiatement cela veut dire qu’il ne peut y avoir aucune action préalable au déplacement.

Imaginons, par exemple, que je place le poids du corps sur la jambe arrière, je devrai alors nécessairement – si je dois me déplacer vers l’arrière – transférer au préalable le poids du corps vers l’avant, pour pouvoir soulever et mobiliser le pied arrière. Inversement, si je place le poids du corps sur la jambe avant, je devrai nécessairement – si je dois me déplacer vers l’avant – transférer au préalable le poids du corps vers l’arrière, pour pouvoir soulever et mobiliser le pied avant.

Il n’est pas possible de savoir, avant de bouger, dans quelle direction il va falloir le faire, c’est pourquoi la position d’Aikido doit permettre d’aller instantanément dans n’importe quelle direction possible. Ce n’est qu’à cette condition que l’action d’Aikido sera, comme elle doit l’être, explosive. La position ne doit surtout pas privilégier certaines directions au détriment d’autres directions possibles, pour la raison que les directions abandonnées ne sont pas seulement possibles : elles sont éventuellement nécessaires.

C’est pour ces raisons que je suis complètement en désaccord avec Hito Hiro Saito qui oblige ses élèves à s’asseoir sur la jambe arrière : jamais son père n’a enseigné cela, jamais O Sensei n’a fait cela, et on peut le vérifier sur toutes les photos et films que l’on possède du Fondateur ou de Morihiro Saito.

Voilà aussi pourquoi hito e mi et kenka goshi ne peuvent pas être des positions, contrairement à ce qu’enseigne Hito Hiro. En effet, en adoptant hito e mi comme une position, je m’oblige à entrer, dans le temps suivant, la hanche (et la jambe) arrière dans l’ouverture créée par la hanche avant : je n’ai, immédiatement, que cette solution. Cela revient donc en réalité à limiter considérablement mes choix possibles, et en outre à indiquer à l’adversaire ce que je vais faire.

En adoptant kenka goshi comme une position, je peux aller immédiatement vers l’avant, mais je ne peux pas aller immédiatement à gauche, à droite ou vers l’arrière. En limitant ainsi mes choix, je condamne toute réaction immédiate dans les huit directions.

Seule la position hanmi – quand elle est équilibrée, c’est-à-dire quand le poids du corps est réparti de manière égale sur les deux pieds – permet d’aller instantanément dans les six directions avant (d’où le nom roppo de la position), et également dans les deux directions arrière. Autour d’un homme debout en hanmi il y a huit possibilités de déplacement, huit pouvoirs, hachi riki.

Philippe Voarino, décembre 2018.