On croit généralement (et j’ai moi-même enseigné cela pendant longtemps) que la raison de l’expression shi-ho nage tient dans le fait qu’on peut, avec cette technique, projeter un adversaire dans quatre directions différentes (devant, derrière, à droite et à gauche).
Il est vrai que ces quatre projections sont réalisables dans le cadre de la méthode – ainsi qu’il est démontré sur la vidéo – mais deux sur quatre sont purement pédagogiques, et seraient suicidaires dans la réalité, dans le cadre d’une attaque de groupe. L’origine de l’expression shiho nage ne peut donc pas venir de ces quatre projections.
Shi ho fait en réalité référence aux quatre piliers de la technique : quatre pas sont en effet nécessaires à la construction du mouvement correct. Ces quatre pas sont démontrés sur la vidéo. La fameuse projection repose sur ces quatre pas comme sur quatre piliers.
Il se trouve que ces quatre pas s’inscrivent bien dans quatre directions différentes, et très exactement dans les quatre angles d’un carré.
De ce point de vue, la traduction anglaise (four corner throw) du terme shiho nage, que l’on peut rendre par projection des quatre coins, est bien plus proche de la vérité que la version française.
Le respect de ce déplacement aux quatre angles d’un carré virtuel est indispensable à la réalisation de la spirale parfaite qui doit enrouler sur lui même le bras d’uke.
Il est indispensable également à la sécurité de tori, qui doit absolument quitter sa position dangereuse en entrant dans le cercle des attaquants, et non pas en reculant vers l’adversaire qui arrive dans son dos : sur yokomen, Tori doit ouvrir légèrement la jambe avant pour permettre l’entrée de la hanche arrière, comme l’enseignaient O Sensei, maître Saito et maître Shioda, il ne doit pas reculer comme on enseigne à l’Aikikai.
Le travail circulaire de shiho nage repose donc sur la base d’un déplacement carré. Et cette base carrée dépend elle-même de la structure triangulaire de la position de départ hanmi (roppo), qui ouvre au mieux tous les angles possibles.
La raison pour laquelle ces quatre pas fondamentaux ont été perdus de vue, c’est que le quatrième pas n’est pas enseigné (notamment dans le cadre de la méthode) : après la rotation sous le bras d’uke, le quatrième pas manque généralement toujours.
Cette omission a plusieurs conséquences :
ATTENTION – Le mouvement véritable est extrêmement puissant et ne laisse aucune possibilité à uke d’échapper par une chute. La projection peut être dangereuse si elle n’est pas mise en œuvre sous le contrôle d’enseignants qualifiés. Quiconque exécute shiho nage dans sa forme authentique décrite ci-dessus doit le faire dans le respect absolu de l’intégrité physique d’uke.
Philippe Voarino, septembre 2015.
L’Aikido n’est pas un sport, c’est un art martial dont les lois (takemusu) sont en harmonie avec les lois de l’univers. L’étude de ces lois permet à l’homme de comprendre sa place dans le monde. L’Aikido est né à Iwama, O Sensei a réalisé dans ce village la synthèse entre tai jutsu, aiki ken et aiki jo.
La Fédération Internationale d’Aikido Takemusu (ITAF) apporte au pratiquant la structure dont il a besoin pour travailler au plus près de la réalité définie par O Sensei Morihei Ueshiba. Ses représentations nationales officielles garantissent un enseignement fidèle à celui légué par le Fondateur.
Dans l’Aikido moderne les armes sont peu enseignées, voire pas du tout. Dans l’Aikido d’O Sensei au contraire, l’aiki ken, l’aiki jo et le tai jutsu sont unis par des liens tels qu’ils forment ensemble un riai, une famille de techniques harmonieuses issues d’un principe unique. Chaque technique aide à comprendre toutes les autres.
La paix est un équilibre de l’être humain avec le monde qui l’entoure. L’objectif de l’art martial véritable n’est pas de devenir plus fort que son adversaire, mais de trouver dans l’adversaire un moyen de réaliser l’harmonie, l’ennemi n’existe plus alors comme tel mais comme celui qui offre l’occasion de parvenir au ki unifié.
Commentaires
Soumis par Eric le mar, 15/09/2015 - 22:00 - Permalien
Salut Philippe,
concernant uniquement l'angle , trajectoire d'entrée du shiho nage (coin du carré version martiale), cela me semble parfaitement sincère avec le "kajo 5" ikkyo shiho nage, que tu avais développé il y a quelque temps déjà; merci encore pour cette cohérence; c'est le seul moyen de se trouver au centre du carré au moment de la coupe ( du reste pieds en carré !!!), en rapport à la méthode, où les 3 autres solutions "pédagogiques"consistent à se retrouver à la périphérie du carré ( sur 2 côtés du carré pour les 3, testé en cours !!!) .En tout cas on se déplace, respire, pivote, monte et descend les bras,etc.. comme pour ce qu'est faite la "méthode"....c'est déjà ça !
Enfin, des 4 déplacements, piliers, du shiho nage, ceux-ci peuvent-ils se réduire au fil de la pratique à 3, 2 ou 1 (position stable de la toupie), comme dans la pratique buki waza (ex: rokku no jo et tous les autres) ?
merci encore de tes fructueuses recherches
Bien à toi, Eric
Soumis par Aikiker le sam, 19/09/2015 - 22:52 - Permalien
Bonjour sensei, Toute votre démonstration est très clair ainsi que la vision martiale au dela de la méthode. J'ai donc une question sur la martialité de ikkyo. Cela peut paraitre idiot mais de ikkyo à gokkyo, etant donné que l'on va jusqu'à une immobilisation individuelle ( un seul uke), comment cela se passe d'un point de vue martial c'est à dire avec 4 assaillants : comment les neutraliser dans un seul geste ? Mise à part en non immobilisant uke au sol ....et en le projetant sur les autres ? Merci pour votre reponse Amael
Soumis par philippevoarino le lun, 28/09/2015 - 23:51 - Permalien
Bonjour Amael.
La raison pour laquelle on amène uke au sol d'ikkyo à gokyo, c'est qu'il est nécessaire d'assouplir et de renforcer les articulations du pratiquant d'Aikido. On le met donc dans une position qui permet ces exercices, un peu comme sur la table du kinésithérapeute. C'est un malentendu de penser qu'il s'agit là d'un geste martial. Voilà aussi pourquoi tous ces exercices doivent être réalisés avec le sentiment d'aider uke a progresser dans les limites de son corps, et surtout pas avec une quelconque agressivité (ce qui ne veut pas dire sans détermination).
Le contexte martial, quant à lui, interdit de se mettre à genoux pour immobiliser un adversaire.
Philippe Voarino