Dans le temps 2, qui se prend en reculant la jambe droite, le ken monte au-dessus de la tête droit comme un chandelier, comme s’il devait percer le ciel, et il occupe pour un instant la place de l’axe central du corps. Ceci est une différence importante avec le suburi 2, où le même mouvement ne se fait pas du tout avec ce sentiment.

Dans le suburi 2 en effet, le ken n’est pas vertical, perpendiculaire au sol, il adopte au contraire immédiatement un angle d’attaque :

Pourquoi cette différence entre deux mouvements qui ne font jamais que porter le ken au- dessus de la tête avec une position de corps rigoureusement identique ?

On dit que c’est pour capter l’énergie du ciel que le ken monte droit. Mais, si capter l’énergie du ciel est bénéfique, et à la portée de chacun, pourquoi alors s’en priver et ne pas capter cette énergie dans le suburi 2 également ?

En fait, le temps 2 du suburi 3 doit être compris en liaison avec le temps 3 qui le suit immédiatement :

  • le temps 2 ne perce pas le ciel, il montre le Ciel,
  • le temps 3 montre la Terre :

Le suburi 3 matérialise l’axe vertical qui unit – à travers l’homme – le Ciel à la Terre. Le suburi 3 doit être réalisé avec le sentiment que l’homme possède effectivement la capacité de lier en lui le Ciel et la Terre. Et que le Ciel et la Terre, de ce point de vue, ont besoin de lui comme d’un trait d’union. L’homme est nécessaire au Ciel et à la Terre. Et s’il devient effectivement ce trait d’union, alors l’Univers est en lui. La prise de garde, dans ce troisième suburi, possède dès lors un sens beaucoup plus large que l’aspect simplement technique du mouvement.

Les temps 4 et 5 qui suivent ont une très grande importance pour la réalisation de la coupe correcte, et ce moment sera traité dans un cahier technique à part. Mais les temps 6, 7 et 8 ne sont ni plus ni moins que le deuxième suburi, et je renvoie donc à son étude détaillée dans Aiki ken #1.

Souvenons-nous maintenant de notre étude des suburi 1 et 2 (cf. Aiki ken #1, #2 et #3), et de ce qu’elle nous avait permis de conclure :

(…) on ne peut pas couper deux fois à droite avec des positions inversées. Le premier suburi est en réalité une coupe avec la hanche gauche, le deuxième suburi avec la hanche droite. L’entraînement ne forme pas le corps de manière déséquilibrée uniquement du côté droit, l’entraînement développe harmonieusement les deux latéralités. Le premier et le deuxième suburi d’aiki ken ne sont pas des « techniques différentes », il s’agit des deux faces de la même chose, il s’agit du même mouvement, une fois vu à gauche, une fois vu à droite.
Aiki ken #2

Les suburi 1 et 2 manifestent donc, par rapport à l’homme, la dimension gauche/droite. Et il serait très profitable de considérer le premier et le deuxième awase sous le même jour. L’étude des awase sera l’étape qui suivra naturellement celle des suburi. Mais ce moment n’est pas encore venu car il faut au préalable que soit parfaitement intégré l’enseignement fondamental des suburi, et nous ne sommes pas encore au bout de nos peines.

Rappelons-nous également le point évoqué dans Aiki ken #4 à propos du quatrième suburi :

A Iwama, les armes étaient systématiquement enseignées à l’extérieur, et au fil des années j’ai parcouru des kilomètres en pratiquant le quatrième suburi devant l’Aiki jinja, été comme hiver, sous l’œil sévère de maître Saito.
En effet, à la différence des suburi 1 et 2 qui s’exécutent sur place (on reprend à chaque fois la position pour recommencer l’exercice), le quatrième suburi alterne les coupes gauche/droite de ces suburi en un enchaînement qui se répète aussi loin que permet le terrain d’entraînement. Ces allers-retours introduisent une dimension nouvelle – la profondeur – qui n’existe pas dans les suburi 1 et 2 (…)

Le suburi 4 manifeste donc, par rapport à l’homme, la dimension devant/derrière.

Il faut donc prendre conscience, quand on pratique les quatre premiers suburi de ken, que l’on matérialise les 3 axes de l’espace à trois dimensions dans lequel vit l’homme :

  • suburi 1 et 2 : gauche et droite
  • suburi 3 : haut et bas
  • suburi 4 : devant et derrière

Et puisque nous sommes parvenus au plan de la symbolique, le moment est venu de faire apparaître la relation qui va suivre. On reconnaît généralement cinq gardes fondamentales dans le sabre japonais :

  • Jodan no kamae
  • Chudan no kamae
  • Gedan no kamae
  • Hasso no kamae
  • Waki kamae

Deux de ces gardes ne sont pas utilisées en Aiki ken : gedan no kamae et hasso no kamae (cette dernière est en revanche utilisée en Aiki jo sur les mouvements hasso gaeshi).

Il y a donc en aiki ken trois gardes fondamentales seulement :

1 – Chudan no kamaeGarde de l’homme

2 – Jodan no kamaeGarde du Ciel

3 – Waki kamaeGarde de la Terre

Le premier suburi de l’Aiki ken est l’illustration d’une attaque à partir de la première garde (chudan no kamae).

Le deuxième suburi de l’Aiki ken est l’illustration d’une attaque à partir de la deuxième garde (jodan no kamae).

Le troisième suburi de l’Aiki ken est l’illustration d’une attaque à partir de la troisième garde (waki kamae).

Les trois premiers suburi d’Aiki ken sont l’illustration des trois gardes de sabre de l’Aikido.

Voilà pourquoi ils sont étudiés dans cet ordre. Chudan no kamae est première et jodan no kamae seconde, parce que jodan no kamae se prend à partir de chudan no kamae. Waki kamae est dernière parce qu’il faut passer par jodan no kamae pour y parvenir. Le quatrième suburi termine l’étude des possibilités de la coupe shomen uchikomi en revenant, comme nous l’avons vu, aux suburi 1 et 2 dont il est l’enchaînement (cf. Aiki ken #4). La boucle est bouclée concernant shomen.

Mais le sabre japonais possède trois attaques types : shomen, yokomen (gyaku yokomen n’est qu’une variante de shomen), et tsuki. Il nous reste donc maintenant à étudier yokomen uchi et tsuki.

Philippe Voarino, février 2014.